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Des logements dans l’ancien bar L’Ostradamus

L'immeuble du 29, rue CouillardL'immeuble du 29, rue Couillard où se trouvait autrefois le bar l'Ostradamus. Photo : courtoisie.

La bâtisse qui accueillait jadis le bar L’Ostradamus sur la rue Couillard sera dès le mois de juin un immeuble à logements. 

Depuis la fermeture discrète du bar en 2016, les résidents du quartier s’étaient habitués à voir un gros cadenas sur la jolie porte porte bleue autrement invitante qui fait une grande partie du charme de cet édifice patrimonial. 

Ceux qui ont parfois franchi le seuil de cette porte savent bien le lamentable état dans lequel le bâtiment se trouvait. Il a fallu plusieurs années aux nouveaux propriétaires pour le rénover et lui donner une nouvelle vocation.  

« Ce sont des 3 ½, des 4 ½ et des 5 ½, confirme Marc-Antoine Beauchesne du Groupe Top Resto qui est en partie propriétaire du bâtiment. Il s’agit de logements locatifs de longue durée, et tout est déjà loué. » 

Rappelons que le Groupe Top Resto est aussi propriétaire de deux commerces voisins, le Pub Saint-Patrick et la Maison Livernois. 

« Qu’importe le temps, qu’emporte le vent… » 

Pour certains résidents du Vieux-Québec, il s’agit d’une excellente nouvelle. « Dans les dernières années d’opération du bar, l’immeuble était véritablement laissé à l’abandon, confie un voisin qui a préféré ne pas être identifié. Peu de gens fréquentaient L’Ostradamus, mais ceux qui le faisaient étaient souvent bruyants et désagréables. »

Mais il ne s’agit pas, semble-t-il, du sentiment général. François Potus était un habitué du bar et il vit depuis plusieurs années sur la rue Sainte-Famille, à quelques pas seulement du mythique 29, rue Couillard. 

« C’était un bar comme il n’y en a plus, se désole-t-il. L’établissement avait le charme des vieux bars français. Il y avait là des personnages dont on se demandait où ils pouvaient bien être et ce qu’ils pouvaient bien faire pendant la journée. Ils avaient des histoires à raconter – on ne savait jamais si elles étaient vraies ou fausses, mais cela n’a en réalité aucune importance : car c’étaient de bonnes histoires. »

À la mémoire de Bernard

Pour François Potus, c’était les gens qui faisaient l’intérêt du bar, et aussi son esthétique glauque, « les peintures de femmes qui s’embrassent à côté d’une image du Maréchal Pétain, les drôles de statuettes qui nous accueillaient à notre entrée dans le bar ». Surtout, c’était le propriétaire Bernard Guimond. Dans les dernières années, il n’était pas rare de le surprendre endormi devant son téléviseur. Lorsqu’on entrait, il sortait de son demi-sommeil pour nous servir. 

« Ce cher Bernard, c’était une mémoire, dit-il. À force de travailler toutes les nuits pendant 45 ans, il était forcément au courant de ce qui s’était passé dans la ville. Bernard ne faisait pas la conversation simplement pour faire consommer ses clients, comme c’est tristement le cas dans la vaste majorité des bars aujourd’hui. Ça donnait une âme à l’Ostradamus, une âme qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Prenez un bar au hasard, allez vous y asseoir et essayer de jaser avec la personne qui vous sert : elle n’aura d’intérêt qu’aussi longtemps que vous lui donnez du pourboire. C’est presque la règle générale dans les établissements licenciés de nos jours : tu arrives, tu consommes et tu te casses. 95% des gens sirotent leur verre en ayant toujours un œil dirigé vers leur téléphone sous la table. On est tombé bien bas. » 

L’expérience de la perte

Et ce n’est pas qu’une affaire de goût personnel, fait valoir Monsieur Potus, selon qui il y a dans la fermeture des établissements comme l’Ostradamus une véritable perte. 

« Dans le Vieux, il n’y a plus rien, ou presque, regrette-t-il. Il nous reste quelques bars et quelques restaurants aseptiques où l’on est accueilli en tant que client, et rien d’autre. Cela n’est pas sans effet sur la vie de quartier. La pandémie a d’ailleurs révélé le caractère moribond du Vieux-Québec, qui était jusqu’alors masqué par l’enthousiasme des touristes. Quand des endroits comme L’Ostradamus ferment leurs portes, c’est l’esprit, c’est la vie de la ville qui se perd. Et tout cela se fait dans l’indifférence. »    

Party ce soir…

Si vous passez ces jours-ci devant le 29, rue Couillard, vous verrez encore une note laissée par la main de Bernard Guimond sur l’écritoire à l’extérieur de l’immeuble : « Party ce soir ». Il y a dans ce mot, placé à cet endroit, quelque chose de beau. Il dit bien, n’est-ce pas, l’espoir désenchanté d’un coin de ville plein de promesse, mais où rien ne se passe.  

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