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La démographie rattrape Québec

La démographie rattrape Québec

À l’heure actuelle, l’une des tendances démographiques les plus importantes à Québec concerne l’évolution de la population en âge de travailler. Avec les années, celle-ci ne cesse de perdre du poids, si bien que récemment, Québec disposait de la plus faible proportion de personnes de 15 à 64 ans parmi les principales villes au pays. 

Par Gabriel Côté

Selon Émile Émond, économiste chez Québec international, ce phénomène soulève de nombreuses questions. 

« La population vieillit, et cela n’est pas sans effet, remarque-t-il. D’un côté, ça crée un déséquilibre sur le marché du travail. Les économistes surveillent en particulier ce qu’on appelle l’Indice de remplacement, qui mesure le nombre de personnes qui sont disponibles pour prendre la place d’un individu qui prend sa retraite. En ce moment, je dirais que pour chaque 10 départs, il y a seulement 8 personnes qui rentrent. C’est d’ailleurs l’un des facteurs qui expliquent le taux de chômage qui est très bas ces temps-ci à Québec. D’un autre côté, le vieillissement de la population met de la pression sur le fardeau fiscal des gouvernements, et ce à tous les niveaux. Simplement, si plus de gens ont besoin de soins, et qu’il y a moins de monde pour en payer la facture, il devient de plus en plus nécessaire de s’ajuster. »

Des retraités de retour au travail

Parmi les ajustements qui sont nécessaires à court et à moyen termes, Émile Émond souligne que le « maintien de la population plus âgée sur le marché du travail » tombe sous le sens. Ce constat est partagé par Marie-Josée Savard, candidate à la mairie de Québec et vice-présidente du comité exécutif de la Ville. 

« Dès mon arrivée comme conseillère municipale en 2009, le vieillissement de la population était un enjeu. Sur le marché du travail, on trouve heureusement des gens qui ont pris une première retraite et qui sont revenus au travail. Évidemment, les incitatifs à cet égard sont l’affaire du gouvernement provincial. De notre côté, on a voulu laisser de la place aux aînés, en encourageant notamment une approche du travail qui est intergénérationnelle. Beaucoup de personnes plus âgées, c’est connu, font du bénévolat et s’impliquent dans leur communauté. Pour moi, il s’agit d’abord et avant tout de favoriser ce genre de choses. »

Or, il semble que les personnes plus âgées mais encore aptes à travailler soient moins enclin à rester sur le marché de l’emploi qu’ailleurs. « Le niveau de participation des travailleurs expérimentés au marché de l’emploi, en comparaison au reste du pays, est diamétralement opposé à celui des tranches d’âges plus jeunes, remarque Émile Émond. La dichotomie est telle que la région se positionne au dernier rang parmi les huit principales régions urbaines du Canada alors qu’elle occupe le premier rang dans les autres tranches d’âge. »

L’immigration n’est pas une panacée

Pour l’économiste de Québec International, la rétention des personnes âgées sur le marché du travail est certes nécessaire, mais il ne s’agit que d’une solution partielle à un problème complexe. « C’est un outil parmi d’autres, rien de plus, souffle-t-il. D’autres facteurs doivent être considérés. »

Parmi ceux-ci, Émile Émond souligne le rôle que peut jouer l’immigration dans l’équation. « On peut recourir à l’immigration dans l’optique de combler des besoins précis et immédiats. Mais ce n’est pas une panacée. »

En effet, les travailleurs issus de l’immigration sont souvent une bonne solution à court terme. Dans le grand ordre des choses, cependant, on remarque que ces travailleurs font souvent partie de groupes d’âges qui contribuent à l’augmentation de l’âge moyen de la population. Ainsi, s’appuyer exclusivement sur l’immigration pour régler les enjeux soulevés par le vieillissement de la population serait un peu comme de pelleter le problème par en avant. 

Garder les jeunes chez nous

Pour cette raison, l’économiste insiste aussi sur la nécessité de retenir les jeunes dans notre Ville. On pourrait dire que si la population moins âgée reste à Québec, c’est déjà ça de gagné. 

Marie-Josée Savard partage ce constat, et soutient que l’administration dont elle fait partie a agi en ce sens depuis plusieurs années déjà. « On s’est dotés d’une vision de l’habitation visant à aider les jeunes familles à acquérir une première propriété, relate-t-elle. Le programme n’est pas encore parfait, mais il répond certainement à une demande (…). On s’efforce aussi de rendre la ville la plus attrayante possible, pour qu’elle soit agréable pour les aînés, mais aussi intéressante pour tous ceux qui voudraient venir s’établir chez nous. À mon sens, c’est principalement une question d’urbanisme et d’aménagement du territoire. »

Il est évidemment trop tôt pour tirer des conclusions quant à l’efficacité des mesures mises en place par l’administration Labeaume. Si toutefois on jette un regard d’ensemble sur l’évolution de la migration des jeunes entre les régions du Québec au cours des trente dernières années, il ressort que la Capitale-Nationale s’est améliorée entre 1993 et 2017. Québec affiche l’une des meilleures rétentions des jeunes de 23 ans et de 33 ans, selon une étude menée en 2017 par le gouvernement provincial. Cela serait attribuable en majeure partie à la présence d’institutions d’enseignement post-secondaire dans la région. 

Le problème demeure

L’ensemble de ces facteurs – maintien des personnes âgées au travail, immigration, rétention des jeunes chez nous – ne peut malheureusement que ralentir une tendance déjà lourde, non seulement à Québec, mais dans l’ensemble du monde occidental. 

Il ne s’agit pas ici de tirer des conclusions apocalyptiques. Mais on peut aisément s’imaginer qu’à long terme, le maintien de cette tendance cause une surcharge du fardeau fiscal des gouvernements ainsi qu’à de sérieux problèmes immobiliers. Serait-il envisageable que certaines générations soient contraintes de travailler jusqu’à leur dernier souffle? Et la diminution presque inévitable de la population ne risquerait-elle pas de vider les maisons et les espaces commerciaux, ce qui pourrait conduire à un effondrement du marché immobilier?

Pour Émile Émond, ce genre de prévision manque de prudence. « Les gouvernements semblent conscients du problème. Ce n’est pas quelque chose qu’ils ne voient pas venir. On peut former l’hypothèse qu’ils posent des gestes et qu’ils continueront d’en poser pour éviter ce genre de catastrophe », conclut-il. 

Sources : 

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