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Si je gagne à la loterie vaccinale…

Logo du concours de la loterie vaccinale

Après avoir reçu dans mon bras gauche deux doses de Pfizer, je me suis trouvé presque malgré moi inscrit à une loterie pour la première fois de ma vie. 

Par Georges-Albert Beaudry

Deux ou trois clics, et paf ! je suis devenu un homme nouveau.

Que je gagne ou non, je tiens à remercier ceux qui parmi nos excellents dirigeants ont eu l’idée de mettre en place ce beau tirage. Ce que je ressens depuis quelques jours n’est rien moins qu’incroyable, et je regrette presque de ne m’être jamais acheté de « gratteux » auparavant.  

Ce qui me plait le plus de cette aimable loterie, ce sont les soirées à me demander ce que je vais faire si le gros lot me tombe dessus. J’ai encore plus de plaisir quand, par bonheur, des amis sont avec moi pour bâtir des châteaux en Espagne. 

C’est ainsi que dans les derniers jours j’ai pu découvrir que certains de mes proches sont responsables à faire peur. Combien de fois hélas ai-je entendu prononcer ces mots : « J’achèterais une maison et je placerais la différence » ?

D’autres au contraire m’ont révélé des projets fantaisistes. 

« Je m’imprime des cartes d’affaires sur lesquelles on pourra lire seulement mon nom et la mention ‘’millionnaire’’. » 

« Après avoir converti mon argent en lingots d’or, je le cache dans un boisé sur l’île d’Orléans, et j’organise une chasse au trésor pour ma fille. » 

Voulez-vous savoir ce que je ferai en premier, moi, si mon nom est tiré au sort par l’un des ordinateurs du gouvernement (ne serait-ce pas mieux en passant d’imprimer tous les noms sur des petits papiers et de faire un tirage à la télé ? On pourrait demander à Jean-Philippe Wauthier d’animer, ça ferait tout un show. En tout cas…) ? 

Eh bien ! je vais vous le dire. Je téléphone un par un à tous ceux que je connais qui ne sont pas vaccinés, pour leur dire tout simplement : « Voilà, je suis riche et tu es rayé de ma vie. Au revoir. » Puis je raccroche et je me fais un bagel au saumon fumé.

Chacun voit tout de suite qu’une telle conduite serait de mauvais goût. 

Pourtant, j’entends et je lis chaque jour des propos si violents à l’endroit des « anti-vax » et même vis-à-vis de ceux qui sans être contre les vaccins ont pris la décision de ne pas recevoir leurs doses – de même d’ailleurs que les militants anti-vaccins sont souvent méprisants pour ceux qu’ils considèrent des « moutons » – que je ne serais pas surpris si j’apprenais que plusieurs se sont dit : « bien fait ! » en lisant ma « blagounette ».

Tout pouvoir est absolu, et devant le refus ou l’hésitation, le chef doit forcer l’obéissance – cela fait partie des règles du jeu. 

Mais remarquez qu’on ne nous dit jamais : « Obéissez, car tel est mon bon plaisir. » Au contraire, on voit toujours le chef maquiller sa volonté sous le fard de la nécessité. « La situation l’exige, et si tout dépendait de moi seul, il en serait autrement. Suivez-moi afin que nous évitions des maux plus grands. »

Une rue est barrée, ou encore on vous impose un couvre-feu, je ne sais trop. Vous demandez pourquoi ; mais le représentant de la loi ne sait pas pourquoi. Vous invoquez vos droits ; le gardien s’y oppose. Vous vous obstinez ; il appelle des renforts, et on vous arrête. 

Le bon ordre de la société repose sur l’approbation de ce mécanisme par les citoyens, bien plus encore que sur la crainte qu’il suscite. 

Le pouvoir est donc en réalité une terrible affaire, qu’il importe de comprendre et de limiter, de surveiller et de juger. 

D’un côté, il faut bien voir en quoi il est juste et ce qu’il renferme de vrai : il n’est pratiquement personne qui, pouvant tout et sans avoir à rendre de compte, adopterait une conduite respectant les exigences de la justice.

Mais d’un autre côté, il est important de bien saisir jusqu’où il convient d’obéir.

À ce propos, je suis toujours étonné de voir le bon citoyen donner à son chef plus que ce que ce dernier n’en veut, et de non seulement exécuter fidèlement ce qu’on lui demande, mais en plus d’acclamer, d’approuver et d’admirer celui qui exerce le pouvoir.

Il est à mon sens préférable que comme le chef impitoyable, les citoyens demeurent inflexibles de leur côté, mais inflexibles d’esprit, et qu’ils se tiennent toujours dans le doute quant aux propos, aux projets, et aux raisons de leurs dirigeants, de façon que le pouvoir se sache et se sente jugé.

Cela revient par exemple à ne pas croire par une obéissance aveugle que les impôts sont calculés au plus juste et que les dépenses se font toujours dans l’intérêt du plus grand nombre. Ainsi en va-t-il d’ailleurs des raisons que l’on nous donne parfois pour justifier différentes mesures : la nécessité, le bien commun, le « retour à la normale » ont le dos bien large.

Apprenons à suivre, mais en restant aux aguets, et à obéir sans aimer. 

Ainsi je n’appellerai personne si je deviens riche grâce à la loterie-vaccinale. Sauf peut-être maman, qui aime bien les bagels au saumon fumé. 

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