À l’aube des élections municipales, le parti de Jean-François Gosselin peut-il espérer améliorer sa situation à l’Hôtel de Ville, où il forme l’opposition officielle depuis maintenant quatre ans? Il devra pour ce faire relever cinq défis.
Par Gabriel Côté
En démocratie, l’issue d’une élection dépend parfois du charisme d’un chef, parfois de la suite inattendue des évènements, ou parfois encore de l’acuité d’un engagement électoral.
En 2017, c’est justement la promesse d’un troisième lien routier entre Québec et Lévis qui avait permis à Québec 21 de remporter deux sièges dans l’est de la ville. Depuis, le parti l’a emporté dans une élection partielle chaudement disputée en 2018, portant à trois le nombre de conseillers élu sous sa bannière à l’Hôtel de Ville.
En novembre prochain, le parti de Jean-François Gosselin pourra-t-il faire mieux ? Voici quelques défis qui se dressent sur sa route, et qu’il aura à relever s’il veut conserver ses acquis et faire des gains.
1 – Faire porter la campagne sur le dossier du tramway
Il se trouve bien des gens à Québec à qui l’actuel projet de tramway déplaît dans sa forme ou dans son principe. Or, le seul parti à s’y opposer sans détour est Québec 21, et cela lui confère un avantage stratégique considérable.
Mais depuis l’annonce au début du mois de juillet du trajet qu’empruntera le tramway pour passer dans Limoilou, bien de l’eau a coulé sous les ponts. L’été, avec les distractions qu’il amène, a calmé les esprits, et l’étonnante discrétion de l’ensemble des formations politiques à propos du projet du Réseau structurant de transport en commun a contribué, sinon à le faire oublié, au moins à le reléguer plus loin dans les préoccupations de tous.
Pour faire grimper ses chances de l’emporter le 7 novembre, Jean-François Gosselin et son équipe devront redoubler d’ardeur pour ramener cette question au premier plan ; sans quoi Régis Labeaume aura réussi son pari. Le projet de tramway demeurera sur les rails, et Québec 21 dans l’opposition.
2 – Étoffer (ou faire oublier) le projet VALSE
Chaque campagne électorale fournit l’occasion d’assister à la présentation de projets qui semblent au premier abord inusités ou brouillons. Dans l’esprit de bien du monde, c’est déjà le cas cette année avec le projet VALSE, présenté en grande pompe par Jean-François Gosselin en juin dernier.
Sur la scène politique municipale, beaucoup se sont questionnés à savoir quelle mouche avait piqué M. Gosselin pour qu’il présente un tel projet. « Il n’avait qu’à s’opposer au tramway. En présentant un projet de transport en commun, il s’aliène une partie de son électorat », glisse un candidat d’un autre parti sous le couvert l’anonymat.
Il y a fort à parier que les adversaires de Québec 21 ressortiront le spectre du projet de métro-léger lorsque M. Gosselin attaquera le tramway cet automne. Il faudra alors que le chef de l’opposition officielle soit convaincant dans ses réponses.
3 – Capitaliser dans les arrondissements périphériques (mais ne rien tenir pour acquis)
En 2017, la formation politique qui était alors un nouveau parti avait très bien fait en banlieue. Dans l’arrondissement des Rivières et dans celui de Charlesbourg, Québec 21 avait obtenu plus de 30% des suffrages dans l’ensemble des districts ; à Beauport, le parti avait remporté 2 sièges avec plus de 45% des votes, et avait reçu l’appui de 38% des électeurs dans le district de Giffard. Dans l’arrondissement de Haute-Saint-Charles, Québec 21 avait reçu plus de 40% des voix dans deux districts sur trois, et 34% dans l’autre.
S’il espère contrôler le conseil municipal, Jean-François Gosselin devra faire des gains importants dans ces arrondissements.
Dans des Rivières, le parti compte déjà un élu (Patrick Paquet, Neufchâtel-Lebourgneuf). Il pourrait l’emporter dans le district des Saules, actuellement représenté par Dominique Tanguay, qui ne sollicite pas de nouveaux mandats. La tâche sera plus difficile dans Vanier-Duberger, où Alicia Despins d’Équipe Marie-Josée Savard l’avait emporté par une écrasante majorité en 2017. L’une des premières candidatures dévoilées par le parti est d’ailleurs celle de Shirley Burns dans le district d’Alicia Despins, signe que Québec 21 entend y livrer bataille.
Dans Charlesbourg, aucun des conseillers actuels ne se présente aux élections cet automne. Québec 21 doit avoir les yeux rivés sur cet arrondissement, où le parti peut espérer remporter tous les districts, s’il a quelque peu le vent dans le dos.
À Beauport, la formation politique tentera de conserver ses acquis (Sainte-Thérèse-de-Lisieux et Chute-Montmorency – Seigneurial), et de gagner Robert-Giffard, district ouvert par le départ de Jérémie Ernould.
Dans Haute-Saint-Charles, le scénario où Québec 21 l’emporterait dans deux districts (Val-Bélair, laissé vacant par le départ de Sylvain Légaré, et Loretteville – Les Châtels, laissé vacant par le départ de Raymond Dion) sur trois est tout à fait plausible. La lutte devrait être plus chaudement disputée dans Lac-Saint-Charles – Saint-Émile, où Steeve Verret est élu depuis 2005.
Même si l’ensemble de ces remarques semblent indiquer des circonstances favorables pour Jean-François Gosselin et son équipe dans ces secteurs, il est important de se rappeler qu’une bonne partie des votes récoltés par Québec 21 en 2017 ont peut-être été des votes d’opposition (certains ont dit : de protestation) au maire Labeaume.
Or, Régis Labeaume n’étant plus dans la course, il se peut que ces votes se dispersent chez d’autres formations politiques lors du scrutin en novembre.
Bref, la table est mise pour que Québec 21 fasse des gains en banlieue ; mais il serait maladroit de tenir ces districts pour acquis, et de faire une campagne trop discrète. L’inaction et le silence ne seront pas récompensés au vote dans ces secteurs, où plusieurs disent qu’ils se sentent délaissés par l’administration municipale.
Dans Sainte-Foy – Sillery – Cap-Rouge finalement, force est de constater qu’il y a peu d’espoir pour Québec 21.
4 – Grappiller des votes au centre-ville pour la mairie
Sans vouloir accentuer inutilement un clivage de toute façon artificiel entre le centre-ville et les banlieues, il est beaucoup moins envisageable que l’équipe de Jean-François Gosselin gagne un siège dans l’arrondissement de La Cité-Limoilou, où comme n’importe qui le dira elle ne jouit pas de forts appuis.
Un candidat d’envergure pourrait néanmoins causer une surprise dans le district de Maizerets, actuellement représenté par Geneviève Hamelin, qui ne briguera pas de nouveau mandat. Jean-François Gosselin doit absolument recruter une grosse pointure et faire une solide campagne dans ce secteur s’il veut s’accrocher au mince espoir d’y faire élire un conseiller.
Néanmoins, M. Gosselin ne peut pas négliger le centre-ville s’il veut être élu maire le 7 novembre. Même s’il fait le plein de votes en banlieue (dans un scénario qui lui serait favorable), il a peu de chances de gagner la mairie s’il n’obtient qu’une quantité trop négligeable des suffrages en ville.
5 – Mieux se préparer avant de communiquer
Bien des électeurs, c’est connu, ne lisent pas scrupuleusement la plateforme de chacun des partis avant de se présenter aux urnes. Beaucoup, sans doute, se fient à l’image que projette un candidat, nous pourrions dire à son « aura ».
Celui qui aspire à être maire doit par conséquent bien paraître – et même : mieux paraître que les autres – lorsqu’il parle en public. Ceux qui ont cotoyés M. Gosselin de près savent qu’il a un certain charisme « personnel » ; par contre, lorsqu’il s’adresse à une foule ou à des journalistes, on le sent sur un terrain moins bien assuré.
En effet, le chef de Québec 21 semble parfois surpris lorsqu’il est interpellé par les journalistes, – et peut-être l’est-il vraiment, par ailleurs. Cela le conduit parfois à faire des déclarations imprévues, qui en viennent même souvent à éclipser le message qu’il cherche à faire passer. Avec sa garde rapprochée, Jean-François Gosselin devra dans les prochaines semaines s’assurer de prévoir les ballons qu’on risque de lui lancer en conférence de presse. La ligne est malheureusement mince entre l’authenticité, qui est l’une des qualités de M. Gosselin, et l’autopeluredebanalisation, comme dirait l’autre.
Lisez les quatre défis d’Équipe Marie-Josée Savard
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