L’animatrice Marjorie Champagne gagne à être connue. Souvent demeurée en marge des grands médias, cette véritable dynamo touche-à-tout a le sourire contagieux.
Elle s’impose comme une productrice de contenus dont le propos progressiste plait à une clientèle nombreuse. La jeune femme a parcouru beaucoup de chemin depuis ses débuts comme chroniqueuse de bricolage à l’émission Salut Bonjour. Nous l’avons rencontré pour discuter à bâtons rompus avec elle dans les studios de la station CKIA-FM, où elle anime l’émission du matin.
Commençons par le commencement, tu viens d’où?
« Je suis née en 1978. Je suis native de l’Ancienne-Lorette. C’est là que j’ai grandi et fait mon cours primaire. J’ai par la suite fait mon secondaire à l’école de Rochebelle. J’ai deux frères qui sont plus jeunes que moi et mes parents sont aujourd’hui établis à Cap-Rouge. Je suis aussi la maman d’un garçon de 16 ans qui termine son secondaire 5 et qui trippe sur le pilotage et la Formule 1, aussi bizarre que ça puisse paraitre pour une écologiste comme moi. »
Parle nous de ton parcours et de ce qui t’as amené à faire ce que tu fais aujourd’hui?
« Je détiens une formation artistique à la base et j’ai d’ailleurs déjà enseigné cette discipline durant quelques mois au primaire. Alors que je débutais ma carrière en enseignement, j’ai eu vent que TVA cherchait quelqu’un pour animer une chronique sur le bricolage dans l’émission « Salut bonjour week-end ». Je faisais beaucoup d’improvisation théâtrale à cette époque, alors mon entourage m’a encouragé à me lancer et à auditionner. À ma grande surprise, mon profil leur a plu et j’ai décroché le boulot. Je me suis bien amusé à faire cette chronique durant un an et demi en compagnie de l’animateur Gino Chouinard. J’ai malheureusement dû cesser, quand je suis entré en congé de maternité, après la naissance de mon fils, Philémon. »
Est-ce que c’est là que tu as pris le goût aux médias?
« Je ne sais pas, mais une chose est sûre, j’avais bien aimé cette expérience, alors je crois que ça m’a orienté pour la suite. Je me suis ennuyée un peu de cette énergie durant ma maternité et je ne suis jamais retournée à l’enseignement par la suite. Je me suis aperçu que j’aimais davantage les communications et surtout, que j’aimais beaucoup réfléchir. Mon expérience en enseignement consistait davantage à faire de la gestion de groupes que d’enseigner proprement dit. J’ai donc opté pour un autre chemin afin de rejoindre les gens. »
Comment as-tu débuté ta carrière à la radio?
« Je me suis d’abord impliquée comme bénévole à la station CKRL-FM. Au départ ce fut dans une émission culturelle puis, l’animateur du matin, Denis Duchesne, a quitté son poste et la direction a fait appel à moi pour le remplacer pendant un moment. J’ai adoré ça. Je suis ensuite devenue directrice de la programmation durant six ans. J’ai appris énormément en faisant ce boulot. À cette époque, j’animais aussi une émission hebdomadaire très éclatée en direct du bar Le Sacrilège. J’avais 30 ans et j’ai eu énormément de plaisir à le faire. J’ai ensuite eu l’occasion de travailler à la chaine MaTV, où je faisais des reportages pour l’émission LeZarts, animée à l’époque par Catherine-Ève Gadoury. Je me suis ensuite retrouvé à Télé-Québec durant cinq ans où j’ai collaboré à la Fabrique culturelle. J’y ai amélioré ma connaissance du milieu de la télévision et je me suis aperçu en fin de compte que j’aimais bien la radio. »
Qu’est-ce qui te plait de ce média?
« J’aime vraiment ce que je fais. Faire de la radio me procure d’abord une certaine fébrilité autant avant, que pendant que je suis en onde. Ça me permet d’être créative, d’avoir des idées et de les mettre en œuvre. Comme je tiens les rennes de l’émission, c’est moi qui décide bien sûr, mais j’essaye de laisser de la place à mes collaborateurs et aux idées nouvelles. J’essaye d’avoir des objectifs réalistes étant donné les moyens dont nous disposons. Parfois c’est un peu frustrant d’avoir plein d’idées et de ne pas toujours avoir les moyens de les mettre en place, mais en général on s’en tire plutôt bien. »
Est-ce qu’il y a des choses que tu n’aimes pas de la radio?
« En fait, pas grand-chose, à part les problèmes techniques qui sont parfois une source de préoccupation. »
Tu te définis comme une authentique féministe. Peux-tu nous expliquer un peu comment tu en es venue à épouser cette cause?
« Dans ma jeunesse, j’avais tendance à toujours jouer avec les gars. Ma mère me répétait sans cesse que ce n’est pas parce que j’étais une fille que je ne pouvais pas faire ceci ou cela. Elle m’encourageait à simplement faire ce que j’avais le goût de faire. Moi qui étais très compétitive, j’essayais souvent de dépasser les garçons dans les activités, même si je n’y parvenais pas toujours. Je constatais souvent que les opportunités n’étaient pas égales. Ça m’a conscientisé au fait que le monde n’était pas toujours juste pour les filles, et qu’il y avait beaucoup de stéréotypes qui persistent sur la manière dont nous devons agir et penser. Ce fut un peu le début de mon parcours. »
À travers toutes tes prises de position et les différents chapeaux que tu portes, tu te définis comment au juste?
« Je m’assume maintenant comme une créatrice de contenu. Je donne des conférences, j’écris des textes, j’anime des émissions et des événements et je le fais toujours selon mes intérêts et mes valeurs. J’ai recours à différents canaux pour le faire comme la radio, le vidéo et dans les réseaux sociaux. Le féminisme se trouve au cœur de mon action, mais, la justice sociale, la diversité et l’environnement figurent aussi dans mes préoccupations. Je suis vraiment une fille de la gauche quoi ! »
Justement, le fait de te présenter comme de gauche et d’être aussi engagée socialement, ça ne te cause pas de problèmes? Tu n’as pas peur d’être étiquetée?
« Il est trop tard pour ne pas l’être dans mon cas, alors je m’en accommode plutôt bien je dirais. En fait, quand j’y pense, ça m’ouvre des portes plus que ça ne m’en ferme. »
Comment expliques-tu ça?
« Par exemple, récemment on m’a demandé d’animer un gala anniversaire pour un centre d’hébergement pour des femmes violentées. Mon vécu et mes prises de positions me rendaient crédible pour ces gens-là et ça m’a permis d’être sollicitée pour animer cette belle soirée. Sans mon engagement, ça n’aurait probablement pas été le cas. Un autre bel exemple est que j’anime aussi des événements pour le Groupe Femmes, Politique et Démocratie, un OBNL qui milite pour l’accès femmes à la politique. Alors tout compte fait, je considère que tout ça est plutôt positif. »
Où habites-tu?
« Je suis une urbaine convaincue. Je vis en ville, maintenant dans Saint-Roch, mais j’ai longtemps habité Limoilou et j’aimais beaucoup ce quartier. Je me déplace presque toujours en vélo. Mon mode de vie est très écologique et j’apprécie le fait ne pas être pris dans ma bulle de métal dans le trafic. Je déplore un peu par contre qu’il n’y ait pratiquement pas arbres dans mon quartier. Nous sommes dans une zone où les ilots de chaleur sont nombreux. Alors, j’avoue que certains jours en été, je suis bien contente d’avoir des amis qui ont des piscines. »
Alors, tu ne déteste pas la banlieue?
« Non pas du tout. Je peux comprendre ces gens, qui ont deux ou trois enfants, qui vont en banlieue ou à Portneuf, par exemple, pour habiter des milieux de vie qu’ils considèrent sains. De mon côté, j’aime la mixité sociale que la vie en ville me propose et surtout la richesse culturelle qu’elle recèle. »
Tu ne trouves pas qu’il y a un certain clivage qui s’accentue entre la ville et la banlieue?
« Les fusions municipales sont un phénomène assez récent, alors il reste encore des façons de penser qui sont parfois bien différentes. Je n’ai rien contre ceux qui ne pensent pas comme moi, mais ce n’est pas à eux que je m’adresse. Je parle au gens de la ville qui habitent en quelque sorte le trou du beigne municipal, et qui ont les mêmes préoccupations que moi. Mon public-cible se trouve majoritairement dans les deux circonscriptions qu’occupe Québec Solidaire, alors il y a là une certaine communauté d’idées que beaucoup de gens partagent au centre-ville. »
Est-ce que ton passé artistique t’a laissé des séquelles ou tu t’en es sortie?
« Non, ça me suit toujours(rires), d’ailleurs je suis revenu à la peinture depuis une dizaine d’années, mais je m’inspire principalement de sujets féministes. Je n’ai jamais exposé mes oeuvres, mais j’en ai déjà vendu quelques-unes. Avoir ma propre exposition est une chose que j’aimerais éventuellement, mais ce n’est pas pour demain.
Quels sont les sujets que tu préfères aborder comme animatrice de radio?
« Facile : l’égalité entre les sexes, la justice sociale, les rénovictions, les injustices, la violence conjugale, la masculinité traditionnelle. J’essaye toujours de passer par la culture pour de ces sujets. J’aime beaucoup la politique aussi. Je dis souvent que la politique est mon hockey à moi. Le sport demeure mon talon d’Achille, mais j’essaye de m’améliorer. »
En bref
Si on te demande de te décrire brièvement, tu dis quoi?
« J’aime la vie, j’aime vivre et je trouve que je n’ai pas assez de temps ! »
As-tu une phrase fétiche?
« Fais ce que tu peux avec ce que tu as! Ça me vient de ma mère. »
Tu as fait quoi de tes vacances cet été?
« J’ai visité les parcs Frontenac, Forillon, Kénogami, Témiscouata et le secteur du lac Touladi avec mon Westfalia 1990 dont je suis l’heureuse propriétaire. Je passe mes fins de semaines et mes vacances en camping, alors ça me permet de voir autre chose que la ville. »
Nomme-moi donc deux restaurants que tu aimes bien?
« Difficile, j’en aime tellement. Dans le moment, je dirais le restaurant mexicain le 222, sur Saint-Joseph, ainsi que Les délices d’Ariana, sur René-Lévesque, c’est à découvrir. »
Pour toi, le plus beau parc de Québec c’est…?
« Le parc Victoria, à cause de son côté multiculturel. »
Tu fais quoi pour t’amuser et te détendre?
« Ces temps-ci, je joue beaucoup au spike ball avec les membres de ma famille. Nous adorons ça et mon père capote vraiment là-dessus. Je fréquente aussi un gymnase au centre-ville, car je considère que ça m’aide à être bien disposée et aussi étrange que ça paraisse, ça me rend plus efficace intellectuellement. »
Tu es déçue…
« Qu’il n’y ait pas davantage animatrice du matin (morning woman) qui parlent d’actualité à la radio. Caroline Stevenson à CKRL-FM et moi sommes les seules. »
As-tu un souhait que tu aimerais réaliser cette année?
« Je me lance le défi d’aller chercher plus de jeunes auditeurs ou d’en atteindre un plus grand nombre avec mes contenus. On dit que les jeunes sont plus militants que les générations précédentes, alors ce que je fais devrait leur plaire et j’entends bien les y exposer en déployant mes trucs sur Twitch et sur Tik Tok par exemple. »
On peut entendre Marjorie Champagne du lundi au vendredi dans l’émission Québec Réveille sur les ondes de CKIA-FM 88,3, entre 7h30 et 9h00, de même que sur Facebook, Twitter, Instagram, Twitch et TikTok, pas mal tout le reste du temps.
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