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Le boulet de la contradiction

David LemelinDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Pas facile de trouver la candidate Marie-Josée Savard. Il faut cligner le moins possible des yeux pour pouvoir savoir ce qu’elle fait et ce qu’elle pense. Dans les coulisses, oui, on en parle : elle recrute beaucoup dans le monde des affaires, allié naturel de l’époque Labeaume, et prépare, semble-t-il, une forte campagne.

Ah bon.

Quand on prépare une campagne, c’est en général beaucoup plus difficile de défendre un bilan que de lancer des idées qu’on n’a jamais eu à mettre en œuvre. C’est pas un mal, c’est un bien : la démocratie offre heureusement la chance de passer à autre chose. Pour cela, il faut proposer aux gens un projet et espérer obtenir leur appui.

Pour Savard, c’est pire encore, car elle doit parvenir à faire passer du vieux pour du neuf, réussir la quadrature du cercle : proposer du changement dans la continuité. C’est colossal comme boulot. 

Évidemment, ses années aux pouvoirs ont de grands avantages : elle peut regarder un électeur dans les yeux et lui dire « je sais » et ce sera vrai. Elle peut lui dire : « le lendemain de l’élection, j’entre au bureau et on commence le travail » et ce sera vrai. Elle ne prendra pas 6 ou 10 mois pour s’acclimater. Elle prendra 6 secondes. Savard peut aussi, sans doute, compter sur de nombreux alliés qui ont l’expérience pratique du pouvoir municipal. Ça l’aide alors à préparer ses dossiers et facilite sans doute l’écriture d’un programme. Ça en fait donc, par la force des choses, une candidature redoutable.

Reste que je continue de croire que le « poids Labeaume » est trop grand. Il ne fait pas que porter ombrage à ce qu’elle peut dire : il lui soude un boulet gros comme l’amphithéâtre à la cheville. C’est dur d’avancer. Le problème, c’est qu’en général, les gens essaient le « changement » quand un régime s’épuise, ce qui est manifestement le cas ici. Elle doit donc faire valoir que son expérience lui permettra de relever les défis qui nous font face. Or, les défis identifiés par Savard sont-ils ceux de la population?

À une époque, Labeaume était, de fait, au diapason avec la majorité de l’électorat. Ça s’est vu avec ses résultats. Mais, est-ce que la politique héritée de Labeaume est celle qui reflète encore le mieux les aspirations collectives? 

C’est possible. Ma chambre d’écho me trompe souvent. 

Sauf que l’usure du pouvoir n’est pas un nouveau concept en science politique. C’est connu, usé même. Alors, à moins qu’elle n’aplatisse littéralement ses adversaires en débat en raison de sa maitrise des dossiers, je vois mal comment elle réussira à traverser première le fil d’arrivée.

On lui sortira d’ici là de nombreux exemples la plaçant en contradiction. Son soutien au développement immobilier des terres des Sœurs de la Charité est le meilleur exemple. Bien qu’elle appuie désormais la vocation agricole et citoyenne de ses lieux, ça ne colle pas. On peut évoluer et changer, certes. Mais, chaque fois qu’elle annoncera un changement, on parlera plutôt de contradiction. C’est un mot-boulet particulièrement lourd en politique. 

Elle trouvera alors le temps long, très long d’ici le 7 novembre.

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