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Être grand

Cette semaine, j’ai fait des démarches pour donner mon corps à la Science. Quand je vais être mort, là! Non, mais c’est généralement la coutume de donner les choses quand on ne s’en sert plus. Et bon, c’est peut-être pas évident au premier regard, mais je me sers encore de mon corps. Par exemple, pour manger, dormir.

Mais malheureusement, je ne serai pas plus utile dans la mort que dans la vie. Parce que j’ai découvert que je ne peux pas donner mon corps à la Science. La Science ne veut pas de moi. Je suis trop grand pour la Science. Je mesure six pieds deux pouces et trois-quart, et il faut mesurer un maximum de six pieds pour être digne de la Science.

J’aimerais qu’on m’explique d’où vient cette haine de la grandeur!

Est-ce que c’est parce que les scientifiques sont tous petits, et jaloux des grands? Et ils se sont dit “Haha! On va empêcher les grandes personnes de contribuer à la Science. Ça leur apprendra à être capable de changer une ampoule sans escabeau! Haha!”

Et je trouve ça choquant, parce que les grandes personnes, on pourrait tellement contribuer à l’avancement de la Science.

Par exemple, je me suis pété la tête sur des luminaires, ou des poutres, ou des tuyaux, ou des cadres de porte un nombre incalculable de fois. Pour vrai, ça m’étonne que ma tête ne soit pas renfoncée comme un ballon de football dégonflé. C’est rendu au point où quand je me cogne la tête, ça ne me fait plus mal. Je dis “Ayoye!”, mais c’est purement par réflexe. Parce que même si ça ne me fait pas mal, je veux avoir la pitié des gens!

Bon, bien je me dit, “Sûrement que ma résistance surhumaine à la douleur crânienne pourrait aider à éliminer les casques de vélo”, mais on ne le saura jamais, parce que je suis trop grand pour la Science!

Autre problème : nous, les grandes personnes, on est des problèmes de posture ambulants. Parce que tout est trop bas. Les comptoirs de cuisine, les éviers, les pommeaux de douche. N’importe quelle tâche anodine quotidienne nous oblige à être un peu plié! Juste de parler avec les gens plus petits, on doit toujours pencher légèrement la tête par en avant, comme la Tour de Pise.

On est tellement pliés de partout que notre corps est une oeuvre d’origami. Et c’est bien beau, l’origami, mais ça donne des problèmes d’articulations pas possibles.

Et je me dis que mes bobos de jointures pourraient servir à développer des nouveaux traitements contre les douleurs articulaires, mais à la place, je vais continuer à souffrir inutilement, parce que je suis trop grand pour la Science!

Pour moi, le pire, ce sont mes problèmes de basse pression. Chaque fois que je me lève, je joue à pile ou face pour savoir si le sang va continuer à se rendre à mon cerveau, ou si je vais perdre connaissance, en plus de perdre la face devant les gens!

“Bin voyons, toué! Y’é dont bin paresseux, lui. Y s’lève, pis tout de suite, y faut qu’y fasse une sieste!”

Avec le temps, j’en suis arrivé à fonctionner avec un apport réduit en sang au cerveau, sans que ça paraisse. Je vois tout en noir, je n’entends rien, et je suis capable de fonctionner.

Comment est-ce que ça pourrait t’aider dans ton quotidien à toi? On ne le saura jamais, parce que je suis trop grand pour la Science.

Donc, si il y a des scientifiques qui sont à l’écoute, voici le message que j’espère vous avoir laissé : en faisant preuve de discrimination, vous empêchez la société d’avancer à grands pas. Des grands pas de grande personne, avec des grandes jambes qui vont vite!

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