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Le maire de Québec se raconte aux jeunes entrepreneurs

À droite de Bruno Marchand, Isabelle Lechasseur suivi de Jonathan Gagnon. Crédit photo : Sophie Williamson.

Ce mardi soir au Diamant, dans le cadre de l’évènement « Bruno Marchand rencontre la jeune communauté d’affaires » organisé par le Jeune chambre de commerce de Québec (JCCQ) et TACT, le nouveau maire de Québec racontait son parcours de vie.

Il a aussi répondu à des questions concernant les enjeux prioritaires pour la communauté d’affaires.

Espadrilles et costards

« As-tu vu, il porte juste des espadrilles Asics ? »

« Ouin, si lui il court, on n’a pas d’excuse. »

« Ça me fait sentir lâche. » 

« C’est la campagne électorale que j’ai le plus suivi. C’est l’fun de voir la proximité qu’on peut avoir avec le maire ! » 

C’était avec le pas léger, en souliers de course, que Bruno Marchand faisait son entrée sur la scène devant une foule venue en grand nombre pour le rencontrer. Costards-cravates, maquillages élégants et cheveux nettement coiffés contestaient sagement avec le ton blagueur et bon enfant du maire.

Cela n’empêchait nullement que toute cette jeune communauté d’affaire et d’entrepreneurs boivent ses paroles et éclatent d’un rire gras à chacune de ses boutades.

Comment Bruno Marchand, self made man, a atteint le sommet de la politique municipale ? En un sens, le maire comme figure entrepreneuriale intéresse les gens du milieu, soit pour comprendre sa vision, sa démarche et mieux saisir sa vocation d’homme influent.

L’individu qu’est Bruno Marchand intrigue aussi par son sens débridé du collectif, son humilité sans borne ; la grandeur alliée à la bonté.

De « tit-cul » à « entrepreneur social »

Bruno Marchand raconte son enfance religieuse comme « tit-cul » de Limoilou. Ses parents étaient très religieux et pratiquants. Il dit lui-même qu’il avait l’impression que « sa famille venait d’un autre monde ». Sa mère a toujours été pour lui un modèle social. Elle lui a appris ces concepts chrétiens d’humilité, de solidarité et de communauté.

Elle demandait à Bruno petit de faire des lectures à la messe, ce qu’il vivait plutôt comme une obligation. Le présentateur, Jonathan Gagnon, vice-président de TACT, lui a alors demandé si ce n’est pas cette première expérience vibrante de la foule qui l’a formé comme orateur ou si ce moment n’a pas donné naissance à une vague ambition. « Non, répond le maire, ça a plutôt développé en moi le sens du collectif. » 

Bruno Marchand, figure de l’entre-deux monde ; entre celui de ses parents, fervents croyants, duquel il a repris les vertus, mais déchristianisés, et une ambition proprement moderne, celle de travailler individuellement à enrichir la communauté.  

« Mon plan de carrière, c’était d’être ambitieux pour faire mieux pour la communauté. Pour moi c’était de réaliser l’impossible, affirme-t-il. Les petits objectifs, ça m’agace et ça ne m’intéresse pas. »

Un détour par la philosophie

« Quand est arrivé l’adolescence, raconte Bruno Marchand, je cherchais vraiment le sens. J’ai vécu une remise en question et une espèce de crise existentielle. Je trouvais qu’à travers la philosophie il y avait cette recherche là. » 

Le maire, jeune adulte, a ainsi « navigué » à travers les textes de différents philosophes, nommant au passage les pré-socratiques, Socrate, Platon et Aristote qui l’ont aidé à « chercher le sens ». « Ce que j’ai trouvé au-delà de la philo c’est des amis ou une équipe, lance-t-il. Je n’ai jamais eu peur de prendre le premier rôle, mais je n’ai jamais voulu faire les choses tout seul. »

Il raconte alors que des compétitions d’échecs étaient organisées entre les étudiants de philosophie ainsi que des parties du jeu de table Diplomatie la fin de semaine. « La fratrie, ça revient tout le temps », note le maire.

L’animateur, Jonathan Gagnon, ayant lui-même d’ailleurs étudié en philosophie, demande à Bruno Marchand s’il a réussi à trouver un sens à travers la philosophie.

« J’allais pas en philo pour travailler là-dedans, débute-t-il, mais oui j’ai trouvé des réponses. J’ai beaucoup aimé Socrate et l’approche démocratique de la philosophie. Je n’aimais pas cette philo bien pensante, qui s’éloigne du plancher des vaches et qui ne se conçoit et ne se perçoit qu’en elle-même (nommant ensuite Hegel). À la limite j’aimais mieux la philo pour les enfants. Cette capacité à se poser la question « pourquoi » et qui vient de la capacité de douter, c’est ce qui me nourrit. »

Le travail social et l’intervention

Bruno Marchand a ensuite choisi de s’inscrire en travail social. Il explique qu’il avait acquis avec la philosophie les capacités de penser, de stratégie ou d’analyse. « Je voulais développer ma capacité d’intervenir et je n’ai jamais regretté ce choix-là », affirme-t-il.

L’ancien président-directeur de Centraide raconte qu’avec le temps, il s’est départi de plus en plus d’un défaut qu’il avait à l’époque, soit sa rigidité. Il raconte que lors de son voyage en Égypte, il était incapable de vivre avec le traitement culturel des femmes.

« Ce regard très critique sur l’autre, ce que je refusais d’admettre c’est que c’était un regard très critique sur moi, sur cet être pas toujours capable de s’adapter », affirme-t-il.

Il reconnait maintenant qu’il avait « trop souvent des certitudes » et « une incapacité d’accepter ce mélange qui fait la magnifique couleur de la diversité ». Son expérience sur le terrain lui aurait ainsi permis de s’assouplir.

En tant que président-directeur de Centraide, son objectif était de prévenir tous les suicides. « On peut comme communauté reconnaitre qu’il y a une culture du suicide au Québec, affirme-t-il. J’assume aussi pleinement ce que j’ai dit concernant l’itinérance (soit l’objectif zéro). Je trouve qu’on manque d’ambition dans le social parce qu’on se dit qu’on va se fixer des objectifs de moyen et je comprends ça. Mais ce n’est pas ça le plus important. Comment on fait pour savoir quels parcours de vie on a changés, pour démontrer que nos actions font une différence ? »

« Il faut viser la lune » 

En corrélation avec son ambition, le maire reprend un discours bien de notre temps, soit l’idée que la confiance en soi est en corrélation directe avec la réussite. « Alors que tout le monde doutait, moi j’avais la certitude que je pouvais y arriver », affirme-t-il.

Il faut aussi ne pas oublier, rappelle-t-il, que ce n’est pas tout le monde qui peut être un self made man ou une self made woman. « Nous ne sommes pas des îles, poétise Bruno Marchand, il y a des gens qui ont placé des graines en vous et qui ont cru en vous parfois bien plus que vous-mêmes. On se demande : qu’est-ce que cette personne voit que je ne vois pas ? » 

Par souci de reconnaissance pour ces gens qui ont influencé sa destinée, Bruno Marchand nomme plusieurs de ses professeurs ou collègues qui l’ont aidé à se rendre là où il est, sans compter tous les membres de son parti de Québec Forte et Fière.

« Le jour où le maire se pense plus hot que les autres, on a un gros problème », ajoute-t-il avec assurance. C’est en tant qu’entrepreneur social que Bruno Marchand définit son obligation, soit celle de viser à travers le social « à toujours faire mieux ».

« Le dépassement de soi, c’est extraordinaire, proclame-t-il, référant par ailleurs au fameux « Connais-toi toi-même » de Socrate. En effet, pour le maire, se connaître, c’est savoir quelles sont ses forces et ses limites, savoir quel est notre point de départ, avec quoi on travaille, pour mieux atteindre notre but.

« La capacité de se regarder dans le miroir fait des gens qui savent d’où ils partent et vont ainsi plus loin et plus vite », ajoute le nouveau maire.

« Je veux résister au chant des sirènes »

« On se définit par opposition », suggère Jonathan Gagnon, demandant à Bruno Marchand contre quoi il lutte. Ce dernier explique qu’il s’opposait et s’oppose toujours à une sorte de culture du politicien qui est là pour soi, pour son ego.

« Je m’oppose à l’idée qu’une ville ça se construit par une tête », ajoute-t-il. Il affirme aussi qu’il a été motivé à mettre sur pied un nouveau parti politique parce qu’on lui a dit que c’était impossible qu’il gagne.

Le maire insiste sur le fait qu’il « n’abandonne jamais ». Il est essentiel pour lui d’atteindre ses objectifs, sans s’enfler la tête, en laissant toujours son ego de côté. Être un leader ambitieux et un gagnant humble résume sa posture politique et sociale.

C’est entre autres pour cela qu’il souhaite travailler avec Jean-François Gosselin, ne lui tenant pas rigueur pour ses propos lors de la campagne électorale. « Je ne pense pas qu’il y ait eu des attaques personnelles, précise Bruno Marchand, alors on passe l’éponge et on travaille ensemble. »

À la question de Jonathan Gagnon, à savoir si son parti est plutôt à gauche, à droite ou au centre, le maire suggère qu’il est au centre. « Il faut être rigoureux et ambitieux, ce qui est parfois attribué plus à la droite, et le faire pour le monde, ce qui est accordé plus à la gauche », avance-t-il.

Le hall d’entrée du Diamant. Crédit photo : Sophie Williamson.

Des actions concrètes pour le milieu entrepreneurial

Isabelle Lechasseur, entrepreneuse et présidente à la Jeune chambre de commerce de Québec, a alors pris la place sur scène. Elle a demandé au maire quelles sont les actions concrètes qu’il entend mettre en place pour faire de Québec, comme il l’a dit en campagne, « une capitale entrepreneuriale ».

« Notre travail c’est de dire aux entrepreneurs « voici comment on va simplifier ta vie pour que ton projet marche », assure-t-il. Il faut que les entrepreneurs qui ont le génie et les capacités créatives ne se buttent pas toujours à des règles. »

Par rapport à l’enjeu de la taxation, Bruno Marchand promet de respecter son engagement de réduire la taxation pour « un environnement intéressant fiscalement parlant pour les entrepreneurs ».

Concernant la pénurie de main-d’oeuvre, il explique qu’il faut encourager les travailleurs à venir à Québec avec un environnement qui facilite l’arrivée ou le retour. « Ça suppose de faire des représentations auprès des gouvernements du Québec et du Canada », suggère le maire.

Il affirme aussi que la Ville peut aider en assurant un rôle de maillage. « Il faut être très agile et à votre écoute, poursuit-il, il y a des solutions et on va les trouver avec vous. »

Bruno Marchand reconnait aussi la fonction du municipal dans l’achat local. « On va mieux supporter nos entreprises locales pour qu’elles répondent mieux aux appels d’offres, donc par des formations et de l’accompagnement », propose-t-il.

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