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23 décembre

SAQLa succursale de la SAQ à Limoilou. Photo : Gabriel Côté

La file n’était pas aussi longue qu’au centre de dépistage ni qu’à la pharmacie, mais il y avait quand même pas mal de monde qui attendait pour rentrer à la SAQ.

Comme pour les cadeaux de Noël, j’attends toujours à la dernière minute pour passer à la société des alcools, et je n’ai jamais aucune espèce d’idée de ce que je vais acheter. Alors je niaise dans les allées, et je feins de regarder attentivement les bouteilles. « Non, merci, je sais ce que je cherche. »

J’en étais donc à flâner devant les vins blancs français quand un homme vêtu d’un manteau du RTC est entré à toute vitesse. Il s’est dirigé vers le mur « Cellier » – un connaisseur – il a poussé un gros soupir d’insatisfaction, puis il a interpelé un employé. 

– Je cherche un Chambertin 2012.

– J’aurais peut-être ceci. Ça fait l’affaire ?

– Non, vous m’avez mal compris. Je cherche plutôt quelque chose dans les 500 $.

Coudonc, ça gagne combien un chauffeur d’autobus ?

Entre temps, j’avais trouvé mes bouteilles. Un vin espagnol que j’ai choisi à cause du bonhomme sur l’étiquette, et un vin français « biologique » et « non-filtré ». Ça m’a donné l’impression de connaître le vin, et j’étais assez fier de moi quand je suis passé à la caisse.

Dans la file pour payer, deux filles et un gars étaient déjà sur le party. Ils achètaient des espèces de cocktails prémélangés, des bouteilles colorées, vous voyez le genre. J’ai cru comprendre que les deux filles se connaissaient, mais qu’elles venaient tout juste de rencontrer le gars.

– Vous pensez que j’ai quel âge?, demanda celui-ci.

– Ah! Je ne sais pas.

– J’ai 35 ans.

– Ben voyons, j’étais sûre que t’avais genre 50.

Le gars a ri, mais il avait l’air un peu malheureux. 

Dehors, la file continuait de s’allonger. De l’autre côté de la rue, une fille ramassait toutes les bouteilles vides qu’elle pouvait trouver, et elle les mettait dans un gros sac. 

Les oiseaux – L’an passé, on avait laissé nos mangeoires tout l’hiver. Les oiseaux continuaient de venir, il y en avait même plus que pendant l’été. Cette année, on a dû les enlever, parce que les coquins s’étaient fait un nid dans la hotte de la cuisine des voisins, alors fini les oiseaux, ils vont ailleurs, ils ne passent même pas dire bonjour les petits ingrats. 

N’empêche que j’en ai recroisé un, l’autre jour, alors que je marchais en haute-ville. Il m’a reconnu, il a fait semblant de ne pas me voir, mais je suis allé vers lui quand même, alors il a bien été obligé de me reconnaître.

– Je te dis qu’on ne te voit plus souvent!

– Tu sais comment c’est, on va où il y a des graines, ce n’est pas personnel. De toute façon, je ne me tiens plus trop à Limoilou.

– À cause des chats ? 

– Non, à cause de l’air. C’est vraiment dégueulasse. 

Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les oiseaux. 

G.C.

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