Le calcul est évident, tout comme la stratégie. Réunis, les stratèges de QFF ont conclu que Bruno Marchand ne pouvait se payer le luxe de se priver de l’appui des radios privées. Ce faisant, il allait annoncer en campagne, et réitérer son souhait après, qu’il entend dépenser à nouveau de l’argent public pour de la publicité sur les ondes de CHOI radio X.
Le calcul n’a pas été si payant : les votes se sont largement divisés, plusieurs des voix sans doute convoitées par Marchand sont allées chez Québec 21, chez Équipe Marie-Josée Savard, puis éparpillées entre les uns et les autres. Marchand a obtenu tout juste ce qu’il fallait pour se faufiler.
Une fois au pouvoir, la question revient : faut-il dépenser de l’argent public à CHOI, donc investir dans cette radio?
La question est revenue sur le tapis avec un article publié dans La Presse où on met en lumière le grand écart moral dont est capable l’avocat Pierre Brosseau en jouant les philanthropes d’un côté avec une fondation d’hôpital et de l’autre en présidant le C.A. propriétaire de CHOI radio X.
Alors, en terminant son texte, la journaliste frappe avec justesse, en reprenant d’abord l’argument de Marchand qui s’était « emporté » contre les tenanciers de bars qui ont offert une dernière danse à leurs clients avant la fermeture en disant qu’il « y a plus important que de faire de l’argent. On joue avec la santé des gens. »
Et la journaliste de répliquer : « Ça vaut pour Radio X, Monsieur le Maire ».
Régis Labeaume, comme d’autres commanditaires, avait décidé de ne plus se payer de publicité sur les ondes de CHOI en raison du discours banalisant la pandémie et les mesures sanitaires. C’était un moyen de ne pas contribuer à nourrir la Bête. Ne pas donner de sous, c’est ne pas investir dans le rendement de cette station.
Évidemment, connaissant Labeaume, il y avait sans doute une revanche personnelle. Mais, sur le fond, c’était moralement valable : on ne donne pas d’argent à quelqu’un qui nuit à l’effort public. On pourrait ajouter à la santé publique d’autres sujets à propos desquels les opinions sont pour le moins discutables (comme en font foi les nombreuses décisions du Conseil de presse) : les femmes, les homosexuels, les musulmans, etc.
Quand la question a été posée à nouveau à Marchand, celui-ci a fait une pirouette intéressante. Il a répondu : « L’argent public ne peut pas devenir de l’argent politique. Des médias diffusent des contenus – contenus avec lesquels je peux être en total désaccord. Le jour où le maire utilise l’argent public pour faire des débats politiques, je pense qu’on a un problème démocratique ».
Ah oui?
Mais, a-t-on un problème démocratique quand une Ville donne de l’argent public à un média qui sape ses propres efforts? N’est-ce pas cohérent de choisir d’autres véhicules pour des messages constructifs qui seront pris au sérieux?
C’est le choix qu’avait fait Labeaume, tout comme une quinzaine de commanditaires. On ne peut pas encourager avec de l’argent un discours dangereux. Voilà ce qu’ils disaient.
Marchand, lui, est plus faiblement installé au pouvoir. On calcule pour lui qu’il n’a pas le luxe de se faire des ennemis. Et le mieux qu’on lui a trouvé, c’est cet argument de la « démocratie ».
Or, la démocratie est en santé lorsqu’une pluralité de médias coexiste dans une saine concurrence. CHOI radio X, sans l’argent de la Ville, n’est pas en danger. En revanche, une Ville qui nourrit un discours dont les conséquences peuvent être terribles se place volontairement dans une contradiction insoutenable, moralement. Ce n’est plus simplement l’idée de ne pas s’opposer aux discours avec lesquels on n’est pas d’accord. Il s’agit plutôt de se demander si un acteur public doit utiliser des fonds publics pour permettre à une entreprise de faire de l’argent avec un discours qui met en danger la santé des gens. Voilà le fond de la question.
Après tout, comme Marchand le disait lui-même, il y’a plus important dans la vie que faire de l’argent, n’est-ce pas? « On joue avec la santé des gens », disait-il.
C’est exactement de cela qu’il s’agit.
M. Lemelin, vous écrivez « Réunis, les stratèges de QFF ont conclu que Bruno Marchand ne pouvait se payer le luxe de se priver de l’appui des radios privées. » Nous entendons moins parler que les mêmes stratèges ont prétendus que des améliorations au projet du tramway étaient possibles. Ce qui n’est pas le cas, tels que l’enfouissements des fils de la caténaire (APS – alimentation par le sol comme Bordeaux) et de réduire la coupe d’arbres de 60 à 70 %. L’impact sur le vote a été très important, beaucoup de résidents sur la ligne du tramway ont accordé leur confiance à M. Marchand pour le projet du tramway amélioré. 700 voies de majorité, 19 kilomètres environ 35 électeurs au kilomètre ce n’est pas beaucoup, avec le déplacement des voies aux autres partis cela est encore moins. Les stratèges du parti ont fait le bon choix pour gagner l’élection. Le maire confirmera le tout à la mi-janvier. Je crois que cela mérite un article. Sincère salutations.