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Le renard et la tortue

La manœuvre vous parait particulière? Elle l’est. 

Pour résumer : l’opposition officielle, menée par Claude Villeneuve, a présenté sa liste de priorités en vue du budget provincial, cinq demandes, AVANT que le maire ne puisse le faire. 

Oui, le geste est inhabituel. D’ordinaire, c’est le maire qui présente la liste, au nom de la Ville. 

Alors, il faut vous rentrer dans la tête, si ce n’est déjà fait, que l’ami Villeneuve est un fin renard. Il sait parfaitement ce qu’il fait. Il sait que ça n’a pas d’allure… 

Mais, il prend les devants. Ce faisant, il coupe l’herbe sous le pied du maire. C’est ce qu’il souhaite. Il dit que c’est pas ça le but… mais, c’est ça le but. Vraiment. 

Un gars à genoux, au sol, des ciseaux à la main en train de couper de l’herbe sous un pied, c’est comme ça que ça s’appelle. 

Évidemment, les priorités présentées sont pertinentes (il n’allait pas avancer des conneries, ça aurait nuit à sa tactique) : plus de sous pour ceux qui s’occupent d’itinérance, plus d’outils pour veiller à la qualité de l’air, un programme pour attirer des immigrants et l’acquisition des terres des Sœurs de la Charité. 

Oui, dac. On aime. 

Sauf que le but, c’est vraiment de patiner plus vite que le maire, qui est plus du style à attendre que la zamboni soit rentrée dans le garage avant de sauter sur la glace. 

Quel est l’effet de ça?

Franchement? C’est pas épatant.

Le maire est peut-être lent, car il a besoin d’apprendre, mais le système démocratique n’a pas donné un résultat tordu : y’a un maire, un parti au pouvoir, une opposition officielle, des partis d’opposition. Ce résultat morcelé était, je l’ai dit, une excellente nouvelle pour la démocratie, puisqu’elle nous sortait du carcan Labeaumien où le dialogue était une plaie. 

Mais, elle n’a pas nommé deux maires. Juste un. Et celui qui est en place a compris qu’il avait besoin des autres. Alors, il parle de travailler avec l’opposition, ce qui est la seule chose à faire. Ce n’est pas toujours parfait (on l’a vu pour le plénier sur le nickel, notamment), mais il essaie.

Aussi, j’estime que Villeneuve aurait pu encore jouer les bons princes, compte tenu du contexte d’ouverture existant, au lieu d’agir en solo. La manœuvre lui donne certes de la lumière (à preuve, j’en parle), mais elle affaiblit la position de la Ville avec un grand V. Elle donnera le loisir à Legault de dire que c’est « une opinion parmi d’autres » qui viendront de la Ville de Québec. Ça rend les priorités moins prioritaires, en somme, incluant celles que formulera le maire, sur le tard. 

Je l’ai écrit, je pense que le manque de connaissances de Bruno Marchand fait tourner la Ville au ralenti. En revanche, sa volonté de parler d’une seule voix pour avoir plus de poids dans la balance est juste. C’est pourquoi le renard Villeneuve a peut-être doublé la tortue, mais on sait ce qui arrive dans la fable. Oui, c’était un lièvre, mais la manœuvre m’a davantage rappelé le renard qui peut, lui aussi, courir contre une tortue. Le résultat pourrait être le même, au fil d’arrivée.

En tout cas, si vous pensiez que nous aurions quatre années de bonhommie et de collaboration de tous les instants, ravisez-vous : il y aura du piquant au menu, bien souvent. Les tactiques vont se déployer sous nos yeux, d’un côté comme de l’autre. Ce sera moins violent que sous l’ère Labeaume, mais ça pourrait être plus mouvementé que prévu…

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