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Discussion : le tatouage est-il un art ?

Tatouage fait par Tom LortieTatouage fait par Tom Lortie, propriétaire de la Panthère Noire Limoilou. Photo courtoisie : Tom Lortie.

Nous avons rencontré trois tatoueurs influents de la ville de Québec, Karine Tremblay, Tom Lortie et Alex Dupuis pour connaitre leur point de vue sur le tatouage en tant que pratique artistique.

Le tattoo comme « dessin décoratif ou symbolique permanent effectué sur la peau » est-il plus qu’un dessin ? Nous en avons aussi profité pour discuter avec eux de leur pratique et de la popularité actuelle du tatouage.

Les débuts d’une passion commune et de styles personnels

Karine Tremblay tatoue depuis 1998, mais a commencé professionnellement en 2005. « J’étais la petite tannante à l’école qui dessine au lieu d’écouter, affirme-t-elle. J’avais un talent naturel pour les arts donc à force de pratiquer on devient bon. » 

Elle qualifie son style de « graphique » et de « collage ». « C’est comme un mélange de styles, par exemple j’ai une base avec un personnage réaliste et j’ajoute des éléments cartoon, des paternes géométriques ou des taches de couleurs, explique-t-elle. C’est très funky. »

Karine Tremblay ajoute que « tout est une question d’équilibre » et qu’il s’agit de gros défis à chaque fois. Elle a selon elle avec ce style « le meilleur des deux mondes », du plus traditionnel et du plus éclaté.

Pour Tom Lortie, il s’agit de sa 17e année à pratiquer le tatouage. « J’ai commencé comme perceur étant donné qu’il n’y avait pas beaucoup de gens qui voulaient donner une formation pour devenir tatoueur, raconte-t-il. Au fil des années, j’ai réussi à apprendre le métier et à en vivre. »

Il est propriétaire de sa boutique depuis maintenant 6 ans qui se spécialise dans le tatouage traditionnel américain et traditionnel japonais. « C’est deux styles de tattoo que je considère intemporels », ajoute Tom Lortie.

Du côté d’Alex Dupuis, il tatoue depuis maintenant 15 ans. « À force de me faire tatouer et de montrer mes dessins aux tatoueurs, j’ai fini par me lancer », affirme-t-il.

Ce qu’il préfère tatouer sont les grosses pièces comme sur les bras, les jambes ou le dos. Le style de ses dessins étant traditionnel, il aime utiliser « chaque partie du corps comme un canevas pour que l’image soit la plus intéressante possible selon la partie ». Sa partie préférée est le dos puisqu’il peut « vraiment se laisser aller ».

« Ce que j’aime c’est donner de l’expression, affirme Alex Dupuis. J’aime travailler les lumières, donner de la profondeur, des effets 3D, faire une belle composition qui varie avec plusieurs éléments. » 

Il ajoute qu’il apprécie lorsque le tatouage est intéressant de loin, qu’il a une certaine dimension. « J’aime ça regarder quelqu’un de loin et être capable de savoir c’est quoi son tattoo », poursuit Alex Dupuis.

Photo courtoisie : Karine Tremblay, propriétaire du studio Le Chat Sauvage.

Le tatouage comme oeuvre d’art

Est-ce que le tatouage est un art ? On pourrait penser que pratiquant eux-mêmes le métier, les réponses des tatoueurs soient sans équivoque. Ce n’est toutefois par exactement le cas, puisque certains critères semblent nécessaires pour pouvoir qualifier un tatouage d’oeuvre art.

« Mon premier réflexe c’est de dire oui, lance Karine Tremblay. Maintenant avec le matériel qu’on a, les encres et l’expérience on est capable de faire des choses visuellement magnifiques. Je dis pas qu’avant ce n’était pas un art, mais les gens ne pointeront plus sur le mur pour dire « Je veux ce tatouage de papillon-là. » »

Elle ajoute que les clients maintenant viennent voir les tatoueurs en tant qu’artistes. « Ils achètent ton oeuvre d’art et ils vont la porter sur eux, poursuit Karine Tremblay. On ne peut pas l’exposer dans un musée, mais au visuel ça reste de l’art. » 

Pour Alex Dupuis, il est certain aussi que le tatouage est un art. « Les artistes tatoueurs sont ceux qui créer des pièces originales à partir de leurs idées, affirme-t-il. C’est vrai que ça reste une technique. Mais de mon côté, j’essaie de mettre ma touche personnelle dans tout ce que je fais. » 

Il ajoute qu’il est difficile de définir un artiste. Est-ce que celui qui copie simplement des modèles en est un ? Il est certain selon lui qu’un artiste est appelé à reproduire ou à copier des images. « Par contre, l’artiste va selon moi plus privilégier ses créations personnelles », conclut Alex Dupuis.

Photo courtoisie : Alex Dupuis, tatoueur au Enlight Tattoo.

L’artiste et l’artisan tatoueur

À savoir si le tatouage est un art, Tom Lortie affirme que « ça dépend comment il est apporté par l’artiste ». « Je pense qu’il y a des gens pour qui c’est vraiment un art parce que les tatoueurs vont créer de A à Z des designs exclusifs complètements fous, poursuit-il. Chaque artiste va avoir sa touche et son style. »

Par ailleurs, il explique qu’il y a des tatoueurs qui sont plutôt des « artisans ». « Ils vont reproduire des designs qu’ils ont trouvé et vont simplement les tatouer tels quels », poursuit-il. Il y aurait donc selon lui dans ce cas « moins de recherche artistique ».

En somme, la réponse de Tom Lortie est mitigée. « En fait, le tatouage c’est plus un médium pour transmettre l’art de l’artiste au même titre que la peinture à l’huile », conclut-il.

Photo courtoisie : Tom Lortie, propriétaire de la Panthère Noire Limoilou.

La popularité du tatouage est-il une négation de sa marginalité ?

Est-ce que le tatouage est encore marginal ? Devant la popularité de la pratique et son acceptabilité sociale, est-ce que se faire tatouer peut encore être un geste de rébellion ?

Selon Karine Tremblay, « il ne faut pas absolument suivre la vague parce que tout le monde trouve ça cool ». Elle pense que la marginalité est encore possible au niveau des modèles choisis.

« Les gens vont être plus originaux qu’avant, poursuit-elle. Si tu veux définir ta marginalité avec le tatouage, tu peux le faire plus apparent qu’avant, comme dans le cou, sur les mains ou dans le visage. C’est l’étape d’ensuite. »

« C’est vraiment rendu accessible à tout le monde, soutient de son côté Tom Lortie. Donc non ce n’est plus un phénomène marginal. Notre clientèle est très variée, ça passe d’un employé du dépanneur du coin, à un psychologue ou un médecin. »

« Pour ma part, tatouer un visage à prime abord c’est non, lance Tom Lortie. Je ne pense pas que c’est une décision qui est réfléchie. C’est mon éthique de travail et nous sommes plusieurs à l’adopter. Mais si j’ai un client qui a tout le corps tatoué et qui me le demande, ça ne me dérange pas. Tout est une question de logique. » 

Alex Dupuis va dans le même sens. Il est évident selon lui que le tatouage est aujourd’hui « très populaire ». Par contre, il admet que certaines personnes peuvent encore se démarquer.

« Pour les tatouages dans le visage, c’est vraiment du cas par cas, explique-t-il. Je n’en fait pas vraiment, car ça ne m’interpelle pas, mais je connais des personnes dans mon entourage qui en ont et c’est très beau. » 

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