Pourquoi tu parles ?

Cher journal,

Je suis officiellement passé maître dans l’art de perdre mes amis pour les raisons les plus insignifiantes qui soient. Par exemple, mardi, j’ai perdu un ami, juste parce que je lui ai poliment demandé de “farmer sa grand’yeule” pendant qu’on écoutait un film.

Tu vois, y’a des amitiés qui se brisent pour trahison, moi, c’est par flagrant manque de savoir-vivre.

En passant, je veux juste préciser qu’on n’était pas dans une situation de “on est au cinéma pis quand le monde ont payé, c’était pas pour t’entendre toué. Ta yeule avant qu’on se fasse mettre à porte!”

Nenon.

On était bien confortables dans le salon, juste nous deux, à écouter un film. Enfin, écouter. J’essayais d’écouter le film sans écouter le flot interminable de commentaires que mon ami vomissait dans mes oreilles.

Ce qui me fascine, c’est que moins je l’écoutes, plus il parle. Et si je monte le volume de la télé pour l’enterrer, il parle plus fort. Cibole. Quand c’est rendu que les voisins d’en face peuvent suivre le film!

Ah, misère que je ne comprends pas les gens qui parlent pendant un film. Pourquoi est-ce que tu te sens obligé de commenter virtuellement tout ce qui se passe? Je suis à côté de toi, je le vois aussi que la maison est bleue!

Ou le monde qui disent quoi faire aux personnages dans le film. Regarde, je ne sais pas comment t’expliquer ça, mais ça ne change rien. Le film est déjà fait. Peu importe ce que tu dis, ça ne va rien changer à ce qui va se passer.

Alors arrête de parler.

En plus, vu qu’il parle par-dessus le film, bien évidemment, il ne comprends pas l’intrigue. Tu sais, la sinueuse intrigue de “Histoires de jouets!”. Alors, je me retrouve pris à lui expliquer le film au fur et à mesure. Ce qui fait que je suis rendu à parler par-dessus le film. Il me fait faire ce que lui fait et qui me met en colère! Après, on s’étonne que le monde veuille passer de plus en plus de temps tout seul avec soi-même!

Un moment donné, il me demande “pourquoi est-ce que le jouet est dans une boîte?”…

Bon. Ok. Là, c’est assez.

J’arrête le film, et je lui dis “peut-être que si tu farmais ta yeule, tu le saurais. Han?”

Ho, que ce n’est pas la réponse à laquelle il s’attendait. Alors, il se met à chigner.

“Mais là, moi, je parle pour rendre ça intéressant, écouter un film. Sinon, c’est platte de juste rester assis tranquille à rien faire.”

Hey, dans ce cas-là, il va falloir que tu m’expliques pourquoi tu m’as proposé qu’on écoute un film. C’est ton choix. Petite astuce pour une vie meilleure : propose des activités qui ne ruinent pas ton bien-être.

Et là, il me dit “Mais j’ai le droit de m’exprimer si je veux. C’est la liberté d’expression!”

Misère.

La liberté d’expression, ça veut simplement dire que le gouvernement ne peut pas te mettre en prison ou te torturer sur la place publique parce que tu exprimes une idée différente de ce que le gouvernement te dit.

C’est tout.

Nous, ce qu’on vit, c’est un cas de vivre-ensemble. Oui, t’as le droit de parler, et oui, j’ai le droit de vouloir profiter du film dans le silence. Alors? Comment est-ce qu’on résout cet imbroglio, han, mon petit avocat en rabais à deux pour cinq cennes?

Bon, déjà, j’ai pensé le mettre à la porte. Ça aurait réglé le problème, mais on était chez lui. Heureusement, il a proposé une excellente solution : il s’est enfermé dans sa chambre pour pleurer, et j’ai pu finir mon film tranquille. J’ai même pu manger tout son popcorn!

Et c’est la dernière fois de ma vie que je garde un enfant de 4 ans.