Valérie Bélanger, finaliste au concours d’éloquence de l’Université de Montréal « Délie ta langue ! », révèle son amour pour la langue et précise la portée sociale de son texte portant sur l’expression française « Mettre au pied du mur ».
Originaire de Québec, plus précisément de Loretteville, Valérie est actuellement étudiante en deuxième année au certificat en rédaction et communications à l’Université du Québec à Chicoutimi.
Elle explique que son parcours est plutôt atypique. « J’ai fait un retour à l’école et une réorganisation professionnelle, affirme-t-elle. En Ontario, j’ai été animatrice à la radio pendant un an et demi. Je voulais être dans la communication, j’aime être dans la communauté, j’aime ce sentiment de proximité, mais j’avais de la difficulté avec l’horaire. »
Valérie a reçu son diplôme du Collège radio télévision de Québec (CRTQ) en 2013. Elle est ensuite retournée à l’université et a eu entre temps deux enfants.
« Je fais un baccalauréat multidisciplinaire, poursuit-elle. J’ai un certificat en marketing, un en tourisme durable et je fais mon dernier certificat. »
De la radio, à l’école, au concours oratoire
« Quand j’ai vu l’idée du concours de prendre une expression française, de la comprendre, de dire son origine, de la relier avec un enjeu actuel, il y a eu une nouvelle ouverture qui s’est fait pour moi », explique Valérie.
Elle raconte que ce fût pour elle « une grosse dose d’adrénaline », ayant enregistrée sa vidéo le soir même de la date limite pour y participer.
« J’ai beaucoup appris des formations, soit des séries de plusieurs ateliers pour retravailler nos textes, pour comprendre quels sont les aspects qui vont intéresser un auditeur, relate Valérie. On se rend compte qu’il n’y a pas juste le contenu du texte qui est important, mais aussi ce qu’on projette. On pourrait avoir les plus beaux mots du monde, mais il faut être intéressant pour que le message passe. »
Elle explique que prendre conscience de la différence entre l’oral et l’écrit a été très formateur. Lorsqu’elle faisait des entrevues à la radio, elle parlait au public, mais il n’y avait selon elle pas une connexion aussi réelle et vécue que devant un vrai public.
« Quand on fait une émission, il y a quelque chose qui est faux, mais ça ne paraît pas, lance-t-elle. On ne s’adresse pas vraiment à ceux qui nous écoutent. Il y a comme une cassure. Dans un contexte oratoire, la personne s’est préparée, s’est déplacée et s’assoit pour t’écouter. Je vais pouvoir me rendre jusqu’au bout de ma pensée, de la fignoler. J’essayais d’avoir ça à la radio, mais je me rendais compte que ça allait à l’encontre de la mission de ce média. »
Valérie poursuit en expliquant qu’il ne faut « rien prendre pour acquis » et que l’art oratoire « ne se possède pas ».
« Même si notre technique oratoire est parfaite, si on continue de travailler dans le même sens, on va finir par perdre de la spontanéité, explique-t-elle. On va finir par perdre la magie de notre texte et le sens des mots.»
Les femmes autochtones « mises au pied du mur »
Le texte de Valérie traite de l’expression « Mettre au pied du mur ». Elle a choisi d’aborder l’enjeu du colonialisme médical chez les femmes autochtones.
« Récemment, les communautés autochtones ont été beaucoup médiatisées à cause des pensionnats, affirme-t-elle. Mais il n’y a pas que ça qui existe et parfois on se limite dans nos connaissances. Il y a tellement autres choses là-dedans au travers des lois, des politiques au Canada. »
Valérie parlera donc de femmes qui se sont faites stérilisées de force, « parfois même sans leur consentement ». « C’est des choses qui existent, mais qui ne sont pas documentées, poursuit-elle. Il y a eu une loi en 2017 qui reconnaissait ce traitement envers les femmes. Depuis, il y a plus de 100 cas qui ont été déclamés à travers le Canada. »
Cet enjeu est pour Valérie révoltant et aberrant. « J’ai trouvé ça enrichissant de m’ouvrir sur cet aspect qui m’était inconnu, continue-t-elle. Je trouvais que l’expression ne pouvait pas mieux aller. Les gens m’en parlent beaucoup. Quand on finit par comprendre l’enjeu, on n’est plus capable de le dissocier de l’expression. »
Valérie exprime son honneur de pouvoir le partager et « d’ouvrir les yeux ».
« Mon rôle n’est pas de prendre la défense des femmes autochtones, mais je trouve ça bien que ce concours puisse sensibiliser ou si c’est juste moi, ça sera une personne de plus et je trouve cela vraiment positif », lance Valérie.
Le discours doit-il être engagé socialement ou militant ?
Valérie ne croit pas que les textes doivent obligatoirement prendre position.
« Parfois de se divertir et de s’émouvoir c’est autant important que se conscientiser, soutient-elle. Il y a une conscience pareille qui est prise lorsqu’on a l’intérêt de découvrir de la littérature autochtone, par exemple. »
Elle raconte qu’elle s’est elle-même mise à en lire et qu’elle a découvert des textes « très poétiques, très beaux et sensibles ».
« Parfois si le côté argumentatif ou prise de position est trop présent, de forcer sur quelqu’un une sensibilisation va faire l’effet inverse, poursuit Valérie. Le fait qu’il y ait une diversité dans la littérature et dans les genres pour autant nous divertir que nous émouvoir est aussi une porte d’entrée. Je ne pense pas qu’un texte militant vaut plus qu’un autre genre. »
Et la défense de la langue française ?
Valérie raconte qu’elle vient d’une famille de militaires. Elle a donc été entourée d’anglophones durant son enfance. Elle a aussi travaillé dans des écoles de petites communautés en Ontario.
« Le français n’est pas une langue facile, soutient-elle. Il est facilement remplaçable par l’anglais et le cerveau comme il est fait, on va aller vers ce qui est le plus facile et le plus rapide. L’anglais est tout destiné, parce qu’un mot peut être utilisé pour dire 15 choses différentes. Je me rends compte à quel point notre langue est riche. Ça fait en sorte qu’elle est complexe, donc ça devient difficile de l’utiliser à bon escient. »
Valérie ajoute qu’elle s’intéresse à l’utilisation adéquate des mots. Elle trouve d’ailleurs amusant de chercher dans le dictionnaire, notamment pour comprendre les contextes dans lesquels utiliser les bons mots.
« On m’entend souvent chercher mes mots parce que je trouve ça important et ça nous permet d’apprendre de nouvelles choses », poursuit-elle.
Elle raconte qu’elle tente d’inculquer ce souci pour la langue à ses enfants en leur laissant le temps de chercher dans le dictionnaire et en leur faisant travailler les mots avant qu’ils les comprennent bien. « J’espère leur léguer ce plaisir de la langue », conclut Valérie.
Par rapport à l’enjeu plus social ou politique de la protection de la langue française au Québec, elle précise que ce n’est pas sur ce terrain qu’elle se situe.
« Je ne parle pas de l’importance du français comme tel, lance-t-elle. La seule chose que je vais faire, c’est expliquer l’expression française « au pied du mur » et certains variants, l’interpréter avec d’autres mots. Je les explicite en les mettant dans un contexte. »
Finalement, ce qui charme Valérie, c’est le plaisir esthétique de la langue française. Elle veut en prendre soin, par amour de sa culture.
« De partager ma passion pour la langue avec mes enfants, ma famille et mes amis, c’est ça ma contribution », conclut-elle.
La finale
La finale de « Délie ta langue ! » aura lieu le lundi 28 mars prochain à 16h. Quatre prix seront décernés par un jury, dont le grand prix est de 5000 $, et un prix sera décerné par le public. La finale est accessible gratuitement, sur inscription, à l’adresse suivante : https://tinyurl.com/DTL-Presse.
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