Les rideaux plein-jour filtrent à peine la lumière dans le petit salon qui donne sur la 5e Rue. Au milieu de la pièce, un écran d’ordinateur affiche une partition. Derrière, sur le mur, une bibliothèque pleine de partitions bien rangées se tient à côté d’une espèce de gym maison : une chaise, un pédalier, et des bidons de savon à lessive qui pourraient bien être remplis de sable. Juste à côté, il y a une petite table sur laquelle est posé un cartable qui contient des dessins et des idées.
Par Gabriel Côté
Voici, à peu de choses près, à quoi ressemble le studio de création d’Edward Essis-Breton, alias Edward Koum. C’est là que le musicien de Limoilou compose de la musique et prépare les cours de piano qu’il donne à quelques minutes de là, dans un local sur la 3e Avenue. Il mijote actuellement un album, Chute, sur lequel il compte travailler cet été.
Ce premier opus sera le fruit de plusieurs années de travail, et surtout de recherche, explique le musicien de 29 ans. « Ça fait longtemps que je me cherche, que je cherche mon style. J’ai commencé le piano vers l’âge de 16 ans, et j’ai fait beaucoup d’essais-erreur. Au début, j’aimais les sonorités hip-hop et le rap, puis je m’en suis éloigné peu à peu. À l’université, j’ai étudié la composition et j’ai fait de la musique nouvelle, et principalement de la musique instrumentale. Puis, c’est drôle, je suis revenu au hip-hop, aux voix, aux textes », raconte Edward Koum en riant.
Parallèlement, le limoulois prépare une série de 25 compositions pour piano dans différents styles, destinées à faire entendre l’évolution de la musique classique et du jazz au fil des ans. « Il y a 12 pièces classiques, et 12 pièces jazz. La vingt-cinquième, c’est un mélange entre les deux traditions, ce que j’appelle le clazz », dit-il.
Composer
La difficulté de la composition musicale consiste à faire de l’agencement des sons quelque chose d’incarné, et non simplement une affaire intellectuelle, croit le musicien de la 5e rue.
« Je compare l’écriture de la langue française à la composition musicale. Quand tu écris, les mots sont dans ta tête, tu peux les dire, tu peux manipuler ta matière, même si elle est destinée à être lue. Avec une composition pour un orchestre, il est difficile d’avoir accès à tous les instruments, alors c’est plus difficile de manipuler ta matière. C’est plus un exercice mental. On peut utiliser un piano pour avoir une idée des mélodies, des rythmes, etc., mais tu n’es pas en train de travailler directement avec ta matière, et ça parait souvent », explique Edward Koum.
« Mais quand on entend un compositeur qui joue lui-même ses œuvres, on voit tout de suite la proximité avec son matériau, avec son instrument. Ça semble tout de suite plus naturel, plus organique. Voilà le défi. »
Pour arriver à ce naturel, Edward Koum se sert de logiciels qui lui permettent d’entendre directement le son de divers instruments. « Avant d’écrire les partitions, j’enregistre toujours des idées avec mon clavier qui imite le son des instruments de l’orchestre. Le jeu précède le travail. »
Parcours
Né en Côte d’Ivoire d’un père Ivoirien et d’une mère québécoise, Edward vit à Québec depuis l’âge de 6 ans. Après la séparation de ses parents, Edward est déménagé à Beauport avec sa mère et son frère. Il a fait une partie de ses études à l’école secondaire Jean-de-Brébeuf, dans le Vieux-Limoilou, parce qu’il voulait jouer au basket dans une équipe compétitive.
D’abord intéressé par les sports, il découvre par hasard la musique à 16 ans, chez un de ses amis qui avait un clavier. « J’étais avec mon ami et on entendait des gros boum boum boum dans la pièce à côté. J’ai demandé ce qui se passait et mon ami m’a dit que son frère était en train de faire un beat. Ça a changé ma vie », se souvient-il.
À partir de là, il se met au piano, et il pratique de plus en plus, jusqu’à sa décision d’aller étudier en musique à l’université, après un passage en arts visuels au cégep.
Edward s’est donc mis à la musique plus tard que la plupart des musiciens. « J’ai dû faire beaucoup de rattrapage et pratiquer comme un fou. Mais mon objectif a toujours été de faire de la création. Pour moi, l’apprentissage et la maîtrise de l’instrument est un moyen en vue de cet objectif-là. »
Depuis la fin de ses études, Edward a ouvert sa propre école de piano, sur la 3e avenue, et il a composé des pièces qui lui ont été commandés par des ensembles. C’est à travers ces différentes expériences qu’il continue de chercher son son.
Edward Koum dans ses mots
Quel est ton style ?
« Musico-poésie. C’est-à-dire du rap et du chant combinés à des musiques d’inspirations diverses. Je m’intéresse à la musicalité de la langue française et à la poétique de la musique. J’écris mes textes comme si je composais de la musique et je compose mes musiques comme si j’écrivais un texte. »
Quelles sont tes influences ?
« Mes racines sont au hip-hop, car j’ai commencé à composer dans ce style, mais j’écoute de tout ! »
Et les artistes qui t’inspirent ?
« Musicalement, ce sont les artistes importants des genres de musique les plus connus. Poétiquement, je dirais Jacques Brel, Eminem, Shurik’n et Anodajay. »
Commentez sur "Edward Koum : À la recherche du naturel"