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Le journaliste Maxime Bilodeau lutte contre la désinformation

Le journaliste indépendant Maxime Bilodeau en conférence au Cégep Limoilou le mercredi 26 octobre. Crédit photo : Sophie Williamson.

Dans le cadre d’une conférence donnée au Cégep Limoilou ce mercredi, le journaliste indépendant Maxime Bilodeau fait le point sur les fausses nouvelles et les théories du complot.

Maxime Bilodeau est pigiste pour plusieurs magazines, dont Vélo Mag, Québec Science, Nouveau Projet, L’actualité et Géo Plein Air.

Il a été récompensé en 2016 pour son texte « L’ultra Défi : Échappée au pays de l’extrême fatigue » en remportant la 2e place pour la catégorie Périodiques du Prix du journalisme en loisir. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec lui a aussi remis le prix FPJQ au Gala de la Relève en 2014.

Le journaliste donne la formation d’introduction aux fausses nouvelles « #30 secondes avant d’y croire » chapeauté par le Centre québécois d’éducation aux médias et à l’information (CQÉMI).

La confiance : nécessaire au vivre ensemble

D’abord, Maxime Bilodeau affirme que « la société est basée sur l’idée qu’on peut faire confiance à son prochain ». Selon lui, tout le vivre ensemble est fondé sur cette idée.

Le mensonge ou la désinformation qui sont des « nuisances » au sentiment de confiance ébranlent donc la fondation de la société.

S’adressant aux cégépiens, le conférencier ajoute que le début de l’âge adulte est une période charnière pour inculquer « une bonne hygiène en matière d’information ». En effet, il soulève l’étude de chercheurs montréalais qui révélait le 4 février dernier que les étudiants au Cégep étaient plus vulnérables aux théories du complot depuis deux ans.

D’après Maxime Bilodeau, les fausses nouvelles contribuent au cynisme de la population et « érode le ciment social et les institutions démocratiques ». Ce pourquoi il est fondamental selon lui de former l’esprit critique et de lutter contre le phénomène de désinformation.

Qu’est-ce qu’une fausse nouvelle ?

Une fausse nouvelle est définie comme étant « une histoire fabriquée (elle peut être 100% fictive ou déformer partiellement la réalité) qui prend l’allure d’une vraie nouvelle dans le but de tromper les gens ».

Effectivement, le conférencier insiste sur la mauvaise intention ou la mauvaise foi qui pousse quelqu’un à écrire une nouvelle qui est fausse. Il ajoute que le modèle fonctionne selon une logique d’instantanéité. C’est-à-dire que ce type d’information cherche à susciter une réaction ou une émotion soudaine qui « court-circuite l’autodéfense intellectuelle ».

Neuf canadiens sur dix auraient d’ailleurs déjà été bernés par une fausse nouvelle, mais Maxime Bilodeau croit plutôt que c’est 100% des citoyens. Il poursuit en affirmant que la fausse nouvelle cible les lecteurs en les utilisant pour différents buts.

« Il y a clairement un agenda », déclare-t-il, notant que le motif peut être financier, politique ou idéologique.

Il cite en exemple la volonté « claire et directe » d’influencer la démocratie en faveur de l’élection de Donald Trump en 2016 par la désinformation.

Certaines personnes qui répandent des fausses nouvelles peuvent aussi chercher à briser le lien de confiance de la société en tordant la réalité selon Maxime Bilodeau. Par exemple, les anti-vax peuvent viser à ébranler la confiance des citoyens envers leurs institutions gouvernementales.

« La vérité suscite moins d’engagement »

Par ailleurs, le journaliste indépendant déclare que les fausses nouvelles voyagent six fois plus vite que les vraies nouvelles. L’explication selon lui se trouve dans leur valeur émotive et sensationnaliste. Les émotions fortes qui sont dégagés contribueraient à l’engagement des lecteurs et les réconforteraient dans leurs biais cognitifs.

« Un biais cognitif est un raccourci que prend notre cerveau », affirme Maxime Bilodeau.

D’après lui, ce type fautif de nouvelle renforcerait les croyances des individus à qui elle s’adresse et solidifierait leur conception du monde ; ce pourquoi le modèle a du succès.

« Les algorithmes sont basés sur l’idée de réaction et non sur l’idée de vérité, poursuit le conférencier. La vérité suscite moins d’engagement. » 

De plus, il ajoute que les fausses nouvelles traitent de sujets qui sont polarisants, tels que la politique, l’immigration, la santé ou l’environnement.

Crédit photo : Sophie Williamson.

La théorie du complot

Quant au modèle des théories du complot, Maxime Bilodeau affirme qu’il s’agit d’une « infrastructure de fausses nouvelles qui forme un tout et devient irréfutable ». Citons en exemple ceux qui défendent que « la terre est plate », que « personne n’a jamais marché sur la Lune », que « la COVID est un virus créé pour contrôler la population » ou que « le monde est gouverné par des reptiliens ».

Le journaliste explique que « plus ces théories sont difficiles à prouver, plus elles paraissent vraies ». En effet, la simplicité avec laquelle elles permettent de tout expliquer leur confère une valeur (prétendue) de vérité.

« La théorie du complot suppose la complicité des gouvernements, des scientifiques et des médias d’information », relève Maxime Bilodeau.

À cela s’ajoute aussi d’après lui l’influence néfaste des médias sociaux qui « sont conçus pour créer des liens et non pour informer ». Ainsi, ces médias ne permettent aucune hiérarchisation des informations qui pourrait être salutaire pour distinguer le vrai du faux.

Sur les médias sociaux, chacun voit selon le journaliste une « infirme partie de toute l’information » et cette portion correspond à ses croyances personnelles. Ce phénomène est qualifié de « bulle de filtres » et l’intérieur de cette bulle de « chambre d’écho ».

Faut-il censurer davantage ?

Quant à l’enjeu que pose la cohabitation saine entre la liberté d’expression et la représentation des fausses nouvelles, Maxime Bilodeau estime qu’il faut que les différents points de vue puissent être exprimés.

Il cite à cet égard Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » Notons à cet égard que la citation est apocryphe et que son authenticité n’est pas démontrée. La célèbre formule viendrait plutôt du livre The Friends of Voltaire publié en 1906 et écrit par Evelyn Beatrice Hall.

Quoiqu’il en soit, le conférencier ajoute qu’il est nécessaire de donner la parole à une pluralité de voix. Il pose toutefois la limite que représente le poids parfois faible de ces voix en citant comme exemple le fait que 99% des scientifiques s’entendent sur le fait que le réchauffement climatique est causée par l’activité humaine.

La « subjectivité honnête » du journaliste

D’ailleurs, la solution pour lutter contre la désinformation selon Maxime Bilodeau est de vérifier la source de l’information. Il s’agit de s’assurer que les nouvelles proviennent bel et bien de journalistes qualifiés. En effet, il explique que le rôle des médias d’information est de « faire ce que les citoyens n’ont pas le temps de faire », soit d’interroger, de poser des questions et de fouiller en profondeur les dossiers qui ont un intérêt public.

Évidemment, le journaliste doit respecter un code de déontologie et il doit travailler avec un regard neutre et présenter des faits et non ses propres opinions, bien qu’il soit difficile d’atteindre cet objectif parfaitement. C’est pourquoi Maxime Bilodeau défend la « subjectivité honnête » du journaliste.

Finalement, la santé de la démocratie et la solidité du tissu social dépendraient, entre autres, de la bonne foi des journalistes.

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