Des manifestants se sont réunis ce jeudi après-midi au Parc de l’Amérique-Française pour militer en faveur d’un salaire pour les stagiaires dans une perspective de « reconnaissance du travail étudiant et du travail des femmes ».
L’évènement est une initiative du collectif Salarisation des stages Capitale-Nationale – SPTS. Leur porte-parole soutient que « les stagiaires sont des travailleurs » et « méritent d’être considérés comme des employés » en étant rémunérés.
Dénoncer « l’injustice »
Pour les militants rassemblés, la salarisation des stagiaires est avant tout une question de justice sociale.
Le député solidaire de Taschereau Étienne Grandmont était présent pour offrir son appui aux étudiants. Il croit aussi qu’il s’agit de « dénoncer une situation injuste ».
« On se rend compte que les personnes issues des milieux traditionnellement occupés par les femmes ne sont souvent pas rémunérées, alors que du côté des hommes, c’est souvent le cas », continue le député solidaire, citant le cas des « très bons salaires » offerts par exemple aux étudiants en ingénierie.
« Les femmes partent dans leur vie professionnelle avec moins de chance que les hommes », déplore Étienne Grandmont.
Il ajoute que tout le caucus solidaire est « solidaire » de la démarche des militants. « Cette lutte-là est tout-à-fait légitime », termine le député de Taschereau.
Les défis des étudiants en stage
Sébastien Lamarre, étudiant en travail social à l’Université Laval, estime que les stagiaires sans salaire « se font exploiter ».
« Tu ne devrais pas avoir à vivre dans des conditions qui mettent en puéril ta santé », soutient-il .
À savoir quelles sont les difficultés que vivent les étudiants au quotidien, il explique d’abord que la formation de stage en travail social s’étend sur un an, à une fréquence de quatre jours par semaine avec des cours à chaque vendredi.
« Ça limite nos opportunités de travail et en plus il faut qu’on paye notre session, poursuit Sébastien. Après ça, il faut qu’on travaille pour être rémunéré. Si tu as des enfants, des difficultés d’apprentissage, si tu n’as pas accès aux prêts et bourses, si tu es en appartement […], tu ne seras pas capable de subvenir à tes besoins. »
À cela s’ajoute selon lui des problèmes d’anxiété et la naissance de traumatismes. « Personne ne mérite de vivre comme ça alors qu’il y a des milliardaires », laisse-t-il finalement tomber, dénonçant « le 1% riche » de la population.
Pour la porte-parole de la SPTS, les conséquences à court terme sont la fatigue et la « lourdeur ».
« On travaille beaucoup dans les domaines de santé psychologique ou en enseignement, précise-t-elle. On prend soin des autres, mais on n’a pas le temps de prendre soin de nous. »
Quant aux conséquences à long terme, la porte-parole cite en exemple les gains financiers qu’obtiendraient les ingénieurs à la sortie de leur stage, soit 46 000$.
« Donc ça veut dire qu’on a un écart, soutient-elle. Nous on est à moins 46 000$. Comment on va être capable de rattraper ça sur le long terme ? »
Une éducation payante ?
Par ailleurs, à savoir si la salarisation pourrait entrer en conflit avec le fait qu’un étudiant n’est pas pleinement qualifié et que le stage sert à compléter l’apprentissage de son futur métier, les militants n’y voient pas de problème.
Les stagiaires selon Sébastien « travaillent pour la société » et devraient ainsi être considérés comme des travailleurs au même titre que les employés.
« C’est un principe très capitaliste du fait que si tu es productif, tu vas ajouter de la valeur, mais la valeur humaine ne se mesure pas à la quantité de richesses que tu peux créer », déclare-t-il.
En somme, il s’agit selon l’étudiant en travail social d’une question de dignité et non de productivité, soit la dignité de « ne pas vivre dans la pauvreté ».
Quant à la porte-parole de la SPTS, elle estime que, de la même manière qu’un nouvel employé apprend et reçoit un salaire, un stagiaire qui apprend devrait aussi recevoir ce salaire.
« On apprend les rudiments du métier, la culture de travail, la personne et l’employé qu’on veut être dans un certain milieu, poursuit-elle. Cette partie-là on appelle ça la formation et au Québec, c’est obligé qu’elle soit rémunérée. »
Ainsi, selon la porte-parole, « ça ne fait pas de sens » qu’un étudiant qui se prépare au travail ne soit pas payé, puisqu’il est d’après elle dans la même situation que le nouvel employé.
Quant à l’enjeu de pénurie de main-d’oeuvre, elle juge que « c’est un argument qui peut permettre de convaincre », mais que l’argument principal est « le gros bon sens » ; soit la question de la justice sociale.
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