Par David Lemelin
Avec la fin des vacances se multiplient les articles pour donner l’occasion aux élus de faire des bilans et annoncer leurs couleurs pour les mois à venir. Le maire de Québec, Bruno Marchand, s’est donc livré au jeu.
Une de ses remarques m’a amusé… et secoué. « Je ne me suis pas présenté en politique pour faire un tramway », dit-il, la déception dans la voix.
Oui, on comprend le sens de la remarque. Mais… tu t’attendais à quoi, Bruno?
Depuis le début, j’ai lourdement l’impression qu’il est surtout le gagnant d’un concours de circonstances : la division des votes et la fatigue pour la gang qui trainait le boulet Labeaume lui ont permis de se faufiler jusqu’à la mairie.
Son projet manquait de précision, il ne se positionnait pas clairement sur les enjeux clés comme le troisième lien et le tramway, essayant en campagne de limiter le nombre de mécontents qui le bouderaient dans l’urne.
Une fois au pouvoir, il a commencé « l’école de la mairie » : apprendre ce que c’est, prendre connaissance des dossiers et se familiariser avec la politique, un univers qu’il n’avait jamais connu. Rapidement, on a vu les limites du modèle : « on verra, on va regarder, on va étudier la question… », ça fait un temps.
Vient vite le moment où le maire doit surtout guider et inspirer. Plus difficile à faire qu’une promo de campagne.
On a vanté ses qualités de rassembleur. Ça se mesure, notamment, dans sa capacité incontestable à attirer vers lui des opposants du conseil municipal, la dernière capture en lice étant Jean-François Gosselin et Bianca Dussault, deux orphelins en quête de sens. Avec ceux-ci, le voilà majoritaire au conseil, laissant présager des jours plus « faciles » pour l’apprenti maire.
Du côté des adversaires, il faut dire qu’on a surtout remarqué leur capacité à se désagréger. Québec d’abord, mené par Claude Villeneuve, ne casse pas la baraque et a surtout réussi à perdre des conseillers de son clan, dès le lendemain de l’élection. Depuis, ça patauge. Pas étonnant que la capacité d’action d’un exécutif municipal soit plus attrayante que les banquettes souvent silencieuses de l’opposition. Au municipal, c’est encore plus dur de se démarquer à cet égard.
Mais, le leadership de Marchand est mis rudement à l’épreuve par le tramway et ça ne marche pas du tout. Le « capitaine tramway » ne réussit pas à inverser la tendance.
Les opposants sont toujours aussi nombreux, les doutes aussi persistants. Au point de pousser Villeneuve (qui prépare probablement en cela une candidature à la mairie qui pourrait fédérer les sceptiques et les opposants) à annoncer qu’il pourrait ne plus appuyer le projet, tant l’ensemble de l’œuvre parait flou et inefficace. Or, déclarer que ce n’est pas pour faire le tramway qu’il s’est lancé en politique laisse perplexe…
Dès l’instant où le réseau structurant a été annoncé, il était CLAIR que le prochain mandat serait presque exclusivement dédié à la mise en chantier du tramway. C’était écrit dans le ciel, dans les journaux, à la télé, partout. On est alors tenté de lui répondre : « Ça ne te tentait pas de réfléchir à ça avant de dire oui? »
Je me suis alors demandé ce qu’ont bien pu lui dire les personnes qui sont allées le recruter. « Ça va être easy, Bruno! Cruise control, Bruno! La Ville roule toute seule! Après Labeaume, juste à être fin pis ce sera facile. Tu souris, tu coupes des rubans pis tu fais des discours au conseil municipal. Ça te tente? »
Bin non, Bruno. Le vrai speech aurait dû être : « Ça va barder en chien. Le tramway va déterminer l’humeur politique générale. Le chantier va faire suer la moitié de la ville, on va défoncer toutes les prévisions budgétaires. Ça va prendre du doigté, de très fortes compétences de gestion, du leadership fois mille, l’insomnie va devenir ton amie. Ça te tente? »
Pas sûr qu’il aurait dit oui, dans ce contexte.
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