Robert Lepage et Ex Machina offrent, dans le Projet Riopelle, un enchaînement de tableaux d’une grande esthétique, pour une biographie documentée et détaillée du célèbre peintre québécois.
Par Estelle Lévêque
Nourrie d’un immense travail de recherche, la dernière création d’Ex Machina et Robert Lepage rend hommage au peintre et créateur emblématique du XXe siècle au Québec ; Jean Paul Riopelle.
Comme un écho au triptyque L’hommage à Rosa Luxemburg, réalisé par le peintre dans les années 90, la pièce se délimite en trois actes. De ses débuts dans le milieu des arts visuels et littéraires, jusqu’à la célébrité rencontrée à l’apogée de sa carrière, on découvre la vie de Jean Paul Riopelle sur plus de six décennies.
La pièce, en coproduction avec la Fondation Jean Paul Riopelle, répond donc sans aucun doute à son défi principal : rendre un hommage à cet homme, connu par tous et pourtant souvent méconnu.
Une œuvre documentée et sincère
De ce critère d’exactitude, inhérent au genre biographique, résulte toutefois une création timide, de la part de Robert Lepage. L’œuvre, qui a fait l’objet d’un certain engouement médiatique et populaire dès l’annonce de sa création, a nécessairement suscité des attentes élevées. Dans le Projet Riopelle, le metteur en scène, que l’on ne présente plus, laisse toutefois de côté l’osé et le flamboyant pour une écriture chronologique, factuelle et appliquée.
Bien que cette dernière soit exécutée avec profondeur et détails, on s’ennuie peut-être d’une écriture plus insolite. Rappelons toutefois que le Projet Riopelle est né, dès le début, d’une volonté de refléter la vie et le travail de l’artiste. En termes d’écriture, cet objectif limite certainement les possibilités de bouleverser les standards.
Hommage au peintre et aux arts
Malgré ce carcan chronologique, géographique et factuel, la pièce fait preuve d’une grande créativité. Les décors fabuleux font honneur à un travail considérable réalisé en amont comme au cours de la pièce. La scénographie évolue sans cesse, pour laisser place à de nombreux tableaux d’une grande beauté. Une esthétique peaufinée dans les moindres détails dont l’équipe d’Ex Machina et Robert Lepage nous font le cadeau.
Ainsi, ce dernier relève ce défi de livrer une fresque de la vie de Jean Paul Riopelle, que ce soit sous nos yeux, ou à travers ce que l’on nous raconte. En effet, la durée de la pièce trouve toute sa justification au fur et à mesure des actes. Au fil des heures, on entre dans les faits détaillés, les relations étoffées et les émotions dévoilées.
En plus des épreuves qui ont fondé le peintre, tout au long de son existence, on aborde un ensemble de réflexions sur l’art, sur la société, sur l’amour. Là où la durée pourrait représenter un risque de longueurs et temps creux, elle apporte dans ce cas une grande richesse.
Réalisme et expressivité
Dans la peau de plus d’une centaine de personnages au total, les acteurs du Projet Riopelle offrent une prestation exceptionnelle. Anne-Marie Cadieux incarne le personnage de Joan Mitchell avec vigueur et sensibilité. Que ce soit dans sa carrière, l’expression de son art, l’affirmation de sa pensée ou sa relation tourmentée avec Riopelle, l’actrice de talent incarne l’artiste américaine dans toute sa complexité.
En parallèle, le personnage de Jean Paul Riopelle se montre plus discret. Dessiné avec mystère et pudeur, on ressent une certaine frustration à ne pas pouvoir plonger plus en profondeur dans le personnage. Cependant, faute d’une sensibilité expressive, les actes se font reflet de ses pensées. Sous les traits de Gabriel Lemire puis Luc Picard, celui-ci se montre comme un artiste créatif et philosophe, social et réservé, généreux et orgueilleux.
Soulignons également la performance livrée par Luc Picard et Anne-Marie Cadieux lors des scènes d’entrevues. Grâce à une maîtrise bluffante de synchronisation, jusqu’au moindre mouvement du sourcil, la pièce se dote d’un réalisme des plus réussis.
Le Projet Riopelle au Diamant
En conclusion, le Projet Riopelle relève haut la main le défi de rendre un hommage puissant à la figure emblématique qu’est Jean Paul Riopelle dans le paysage artistique québécois. Faute de trouver sa force dans une grande excentricité, la pièce se démarque par sa précision et son sens du détail.
Dans le Projet Riopelle, Robert Lepage et l’équipe d’Ex Machina livrent une prestation titanesque pour faire revivre l’esprit de Jean Paul Riopelle, le temps d’une pièce.
Le Projet Riopelle est présenté au Diamant du 19 octobre au 26 novembre. L’œuvre est signée Ex Machina et Robert Lepage. Elle rassemble, sur scène, Anne-Marie Cadieux, Violette Chauveau, Richard Fréchette, Gabriel Lemire, Étienne Lou, Noémie O’Farrell, Luc Picard, Audrée Southière et Philippe Thibault-Denis.
Pour en savoir plus sur le Projet Riopelle ou prendre des billets pour aller voir la pièce, consulter le lien suivant.
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