Dans son restaurant Tanière³, le chef François-Emmanuel Nicol sublime les produits sauvages du terroir québécois depuis 5 ans.
Par Noémie Berne
Dans un précédent article, François-Emmanuel Nicol nous parlait de son parcours professionnel ; de sa première expérience au Ashton jusqu’à l’ouverture de Tanière³, en mars 2019. Lors de notre rencontre, il nous en a dit davantage sur sa cuisine, ses inspirations et son rôle de chef.
Les produits sauvages, un luxe
Comment décrirais-tu ta cuisine ?
Je veux vraiment mettre les produits québécois de l’avant, surtout les produits sauvages. Le luxe ce n’est pas nécessairement de la truffe blanche ou du foie gras du Périgord, c’est ce qu’on fait du produit. Quand je travaille l’écorce d’épinette, je me demande comment transmettre pleinement sa saveur et ses subtilités.
Tout au long de l’année, les viandes et les légumes viennent directement des fermes. Avant l’hiver, on fait énormément de préservation pour pouvoir être local, peu importe la saison. On travaille un peu à l’ancienne, mais avec des techniques modernes.
D’où viennent tes inspirations ?
C’est vraiment la nature qui m’inspire le plus. Je fais beaucoup de plein air, du ski de randonnée l’hiver et énormément de vélo de montagne l’été. Quand je suis en forêt, je vais ramasser un bourgeon, le mâcher et penser à ce que je pourrais faire dans mes assiettes.
En France, j’ai eu la chance de rencontrer le chef brésilien Alex Atala. Il nous avait apporté plein de produits d’Amazonie dont on n’avait jamais entendu parler. Il disait qu’au Brésil, il y a quelques années, la gastronomie était principalement française ou italienne et que ce n’était jamais aussi bon que manger directement en France ou en Italie. Ce qu’il trouvait le plus pertinent, c’était de mettre de l’avant ce qu’on trouve dans nos forêts, sur nos territoires. Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de similarité entre l’Amérique du Sud et du Nord, notamment au niveau de l’évolution de la cuisine. J’ai su à ce moment que je voulais emmener mon restaurant dans cette direction et j’ai toujours eu cet esprit-là à Tanière³.
Un chef calme et juste
Quel est ton point fort et ton point faible ?
Mon point fort je pense que c’est la créativité. L’été dernier, on avait un plat au menu qui s’appelait « neuf nuances de tomates ». Quand je suis arrivé avec mon idée, tout le monde a ri, mais on l’a fait. C’était une mousse blanche avec neuf petits carreaux de couleurs différentes sous lesquelles se trouvaient plusieurs préparations de tomates. La gradation des couleurs correspondait à l’intensité des saveurs.
Pour ce qui est du point faible, c’est un peu à double tranchant, mais je pense que je suis parfois trop gentil. La ligne est mince entre vouloir laisser les gens s’exprimer, ne pas imposer un environnement quasi militaire et laisser trop de place aux débordements. Le caractère des uns empiète parfois sur celui des autres. C’est sur ça que je voudrais travailler un peu plus, établir des limites. Oui, on travaille dans un environnement amical, mais il faut que ça reste professionnel.
Quel genre de chef es-tu ?
Je dirais que je suis quelqu’un d’assez simple. En cuisine, je suis quand même direct, mais toujours respectueux. C’est très rare que je lève le ton. J’ai toujours eu en tête de changer cette mentalité de crier en cuisine, c’est malsain. J’essaie aussi d’instaurer un esprit professionnel. Trop souvent, ce qui m’empêchait d’aller vers la restauration au début, c’est que j’entendais des histoires de consommation de drogue et d’abus d’alcool. Ce n’est pas dans mon mode de vie et je ne veux pas ça dans mon restaurant.
Humainement, j’essaie d’offrir des conditions de travail agréables. C’est aussi quelque chose qui me faisait hésiter à aller en cuisine. On fait des longues journées, mais les cuisiniers travaillent tous 4 jours par semaine. Tout le monde à un salaire qui, je pense, est plus élevé que la moyenne des salaires en restauration à Québec. Pour moi c’est important, car je trouve dommage que des gens se privent de faire ce métier parce que les conditions ne sont pas à la hauteur.
Des recommandations de restaurants à Québec ?
Le restaurant où je vais le plus souvent, je pense que c’est le Honō Izakaya. C’est toujours bien assaisonné, les cocktails sont bons et l’ambiance aussi. Quand je sors d’une semaine de travail, j’ai envie d’une place relaxe où passer une bonne soirée et c’est toujours le cas là-bas.
La recette du chef : Foccacia
Ingrédients :
- 850g de farine à boulangerie
- 750g d’eau tiède
- 12g de sel
- 12g de levure
- 10g de miel
- 125 ml d’eau tiède
- Huile
- Fleur de sel
- Agastache ou thym en poudre
Méthode :
(à préparer la veille)
- Au batteur sur socle, mélanger l’eau tiède, le sel et la farine.
- Dans un petit cul de poule, mélanger l’eau, la levure et le miel. Lorsqu’une mousse commence à se former, ajouter le mélange dans le batteur et pétrir l’ensemble.
- Huiler le fond d’un cul de poule, débarrasser la pâte dans ce cul de poule.
- Couvrir et laisser gonfler du double de volume dans un endroit tiède.
- Huiler une ½ plaque et débarrasser la pâte sur celle-ci.
- Replier la pâte sur elle-même, tourner la plaque de 90° et replier à nouveau la pâte sur elle-même.
- Filmer et laisser au frigo jusqu’au lendemain.
- Le lendemain, abaisser la pâte avec les doigts et laisser pousser dans un endroit tiède.
- Parsemer de fleur de sel et d’agastache séchée.
- Préchauffer le four à 450°F et enfourner.
- Cuire pendant 25 minutes à ventilation minimum.
- Débarrasser sur une grille pour refroidir.
Bon appétit !
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