Québec – Personne n’a été surpris quand la ville a annoncé, le 6 mai, sa volonté d’alléger la réglementation en termes de nombre de stationnements requis par logement construit (qui était jusqu’ici de 1 pour 1). En effet, les architectes des quartiers centraux et l’Institut de développement urbain (IDU) travaillaient depuis longtemps avec le conseil municipal pour en venir à cette proposition, considérée par certains comme audacieuse et par d’autres insuffisante.
Par Florence Bordeleau
Une mesure permettant d’augmenter la quantité de logements sur le marché
L’architecte Guillaume Fafard, fondateur de la firme Quinzhee, est loin d’être surpris de cette proposition de règlement. « L’IDU a fait pression pendant longtemps auprès du cabinet du maire pour que ça change. » Il souligne que les architectes et promoteurs immobiliers sont les mieux placés pour connaître le marché, et sont très conscients que chaque case de stationnement créée est un logement potentiel perdu : « dans la dernière année, chaque fois que je croisais un élu, je lui parlais des opportunités manquées, concrètement, par l’obligation de stationnement pour tel ou tel projet de logements. » En effet, quand on parle de logements dans les quartiers centraux de la ville, les options en termes de stationnement sont très imparfaites : ou bien c’est un sous-terrain (ce qui est souvent extrêmement dispendieux à construire), ou bien c’est un garage ou un stationnement qui empiète sur le terrain disponible à la construction – et les entrées de ce genre font disparaître des possibilités de stationnement sur rue. Ainsi, l’entrée d’un stationnement privé pour deux autos fait disparaître 1,5 stationnements sur rue. On gagne donc juste 0,5 case. Le stationnement souterrain apparaît donc comme l’option la plus intelligente, bien que très chère.
Fafard ajoute que ce nouveau règlement va aider à construire des logements plus rapidement, puisqu’en plus d’être coûteux, les stationnements souterrains prennent plusieurs mois à construire. Pour Léonie Lemay, associée chez Bild – Intelligence immobilière, cette modification de réglementation offre la possibilité de construire davantage sur un même site, et de densifier davantage le milieu urbain, par exemple en ajoutant plus d’étages aux bâtiments et en divisant les bâtisses en plus de petits logements : « Il y a présentement beaucoup de demande pour de plus petites unités, mais les promoteurs n’allaient pas vraiment de l’avant avec ce modèle puisque ça impliquait plus de stationnements », explique Lemay.
Qui est le grand gagnant de cette affaire ?
À qui reviennent les économies faites sur le stationnement ? Le locataire en sera-t-il le bénéficiaire direct ? Selon Fafard, ce sont les promoteurs immobiliers qui seront gagnants au jour 1 de l’affaire. Le marché du logement est tellement saturé à Québec que les prix pourront sans doute rester élevés malgré l’absence de stationnement. Léonie Lemay indique quant à elle que l’avantage va aussi aux futurs locataires : en effet, certains projets ne voyaient carrément pas le jour à cause des règlements en matière de stationnement, qui décuplaient le coût de construction. À présent, des projets considérés auparavant insuffisamment rentables pourront voir le jour. Plus de logements seront donc sur le marché, rééquilibrant peut-être un peu l’offre et la demande.
Des idées originales pour remplacer les cases extérieures
Pour certains projets un peu moins centraux, qui ont de l’espace extérieur, l’esprit de Fafard fourmille d’idées : « Il n’y a pas de limite à ce qui peut remplacer un espace de stationnement ! Au lieu d’avoir un garage, pourquoi pas un jardin communautaire ? Un appartement pour aînés ? » Voilà qui pourrait être une partie de solution pour la pénurie de résidences pour personnes âgées, pénurie majeure et inquiétante (voir notre article paru à ce sujet).
Mais le résident de Québec n’a-t-il pas, simplement, besoin de se stationner ?
On dit souvent que la voiture est essentielle aux déplacements à Québec, vu le peu de transport en commun disponible. C’est notamment le cas à Cap-Rouge. Lemay indique qu’il lui arrive de développer des immeubles dans ce quartier, où le transport en commun n’est selon elle pas du tout efficace. « Là-bas, c’est pas réaliste, de couper des stationnements, donc on attend que des mesures intéressantes de transport collectif accompagnent l’allègement pour le mettre en branle dans ces secteurs-là. Il faut s’assurer de donner des options de transport aux gens si on enlève des espaces de stationnement. » Pour elle, le projet est assez audacieux, tandis que Guillaume Fafard pense que la Ville aurait pu voir plus grand et inverser la chose en obligeant, par exemple, les promoteurs à prévoir des stationnements pour vélos dans leurs projets. Lemay et Fafard pensent que ce genre de mesure est, malgré tout, un pas nécessaire pour la transition écologique.
Commentez sur "Une nouvelle réjouissante pour les architectes et promoteurs immobiliers"