Sa réputation n’est plus à faire : le parcours déambulatoire théâtral Où tu vas quand tu dors en marchant… ? attire des milliers de spectateurs depuis maintenant 15 ans. Du 23 mai au 8 juin, les curieux et amoureux confirmés de théâtre (et de danse!) sont invités à voyager entre quatre tableaux vivants, installés dans les environs d’Expo Cité. Ce parcours s’inscrit dans le cadre du Carrefour international de théâtre.
Par Florence Bordeleau
À l’intersection de multiples formes d’arts
Sous la coordination artistique d’Alexandre Fecteau, assisté par Nancy Bernier, Où tu vas quand tu dors en marchant… ? allie cirque, théâtre, musique, danse, architecture et arts visuels. L’accent a été fortement mis, cette année, sur la danse, qui se retrouve sous ses multiples formes dans chaque tableau.
Promenade nocturne en quatre tableaux dansants
Sans doute pour des questions de son, les quatre lieux du parcours sont plutôt éloignés les uns des autres, ce qui force les spectateurs à bien se dégourdir les jambes. Pour la première représentation, hier, la météo clémente a fait de cette petite marche santé sous les étoiles une activité particulièrement agréable. Le circuit s’installe cette année en périphérie d’ExpoCité, accessible en àVélo (et en vélo, bien sûr !), en autobus et en voiture. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le concept, il s’agit de voguer d’une scène à l’autre au gré de ses envies et préférences. Sur chacune d’entre elles, les artistes jouent en boucle, de 21h à 23h, le même numéro. Il ne faut pas arriver trop tard, car les deux heures sont vite écoulées ! Deux tableaux sur quatre sont couverts (Le Grand Marché de l’influence et La nuit nous appartient).
Yahwatsira’
Création : Aïcha Bastein N’Diaye et Lydia Wagerer
Un peu à l’écart du reste du site, ce tableau est sans aucun doute le plus accessible, le moins mystifiant peut-être, de l’ensemble. La danse et la musique se côtoient sur trois structures placées de manière circulaire (dans la mesure où trois points peuvent créer un cercle). Aussi bien dire qu’il faut avoir des yeux tout le tour de la tête pour ne rien manquer du spectacle ! Yahwatsira’, est un mot wendat qui signifie « famille », « portée d’un animal » ou « couvée d’un oiseau ». Tout en célébrant différents types de danse, ce lieu se veut donc rassembleur.
Vésuve
Création : Étienne La Frenière
L’installation est à la fois glauque et grandiose : pour Vésuve, on fait face à une structure en toiles blanches sous lesquelles se superposent projections et ombres, au rythme d’une musique épique. Épique, car le spectacle nous ramène à l’époque gréco-romaine : il part de la fameuse éruption de ce volcan qui détruisit Pompéi il y a des siècles pour nous envelopper d’une histoire inquiète, celle d’un peuple qui est bien peu à l’écoute de son destin annoncé. Si la trame narrative est un peu cryptique, cela n’enlève rien à la beauté du tableau et son aspect envoûtant. La scénographie hors du commun, la musique, les costumes particulièrement originaux et l’agilité des artistes font de ce tableau explosif et cendré une réussite, sans contredit.
Le Grand Marché de l’influence
Création : Nicolas Drolet et Erika Soucy
Rendez-vous des plus grands narcissiques de notre ère, le Grand Marché de l’influence pose un regard ironique sur une humanité consommable, celle des réseaux sociaux. Chacun dans leur petite boîte, une dizaine d’influenceurs espèrent le passage des spectateurs, n’attendant que leur attention pour s’animer – à la manière de vidéos que l’on scrollnonchalamment sur un téléphone portable. Malaise, inconfort, voilà les émotions que peuvent susciter ce tableau qui reflète un peu trop bien ce monde virtuel et factice auquel on adhère sans trop y réfléchir. Le tout culmine avec une chanson dansée, style comédie musicale, d’un humour sombre.
La nuit nous appartient
Création : Jocelyn Pelletier et Pascal Asselin (Millimetrik)
Cette dernière installation d’Où tu vas quand tu dors en marchant… ? est immersive, c’est-à-dire que le spectateur est amené à naviguer directement entre les danseurs, qui se déhanchent au cœur d’un entrepôt qui sert de théâtre à un rave. Les plus dégourdis se laisseront peut-être entraîner au rythme des morceaux choisis par un mystérieux DJ coiffé d’oreilles de lapin, tandis que les autres pourront, pour une fois dans leur vie, se sentir tout à fait en droit de fixer des danseurs dans ce qui s’apparente à un party – sans eux-mêmes danser. De cette posture de spectateur passif émane cependant une forme de décalage, qui permet un pas de recul pour réfléchir la contre-culture et la fonction qu’occupent les grandes fêtes de ce type dans nos vies.
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