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La Tendresse ouvre la discussion sur la masculinité

La Tendresse est un spectacle de danse-théâtre(Photo : Loïc Léglise)

Comment penser la masculinité en 2024, alors que les féminicides ont le vent dans les voiles et les conflits armés restent la réponse aux dissensions politiques ? La poignante pièce de danse-théâtre La Tendresse, création de la compagnie française Les Cambrioleurs, est encore à l’affiche jusqu’au 4 juin à La Bordée. Un groupe de 8 comédiens expose avec violence et délicatesse les pressions sociales auxquelles les hommes sont soumis, et les conséquences qui en résultent – tant pour eux-mêmes que pour les autres. 

Par Florence Bordeleau

Texte : Kevin Kleiss, Julie Berès, Lisa Guez | Mise en scène : Julie Berès | Chorégraphie : Jessica Noita | Son et musique : Colombine Jacquemont | Interprètes : Bboy Junior (Junior Bosila), Natan Bouzy, Charmine Fariborzi, Alexandre Liberati, Tigran Mekhitarian, Djamil Mohamed, Romain Scheiner, Mohamed Seddiki

Cette pièce de danse-théâtre se construit sur une alternance de prises de parole. Huit amis s’ouvrent tour à tour sur un moment difficile de leur vie ou sur leur perception de leur masculinité – et de la féminité. 

Des danseurs talentueux et engagés

C’est là l’une des particularités les plus mémorables du spectacle : le jeu des acteurs est ponctué de chorégraphies de danse – et quels danseurs ! La Tendresse rassemble des artistes de haut calibre. On ne peut passer sous silence le talent indéniable de Bboy Junior, champion du monde en breakdance. Son rôle dans La Tendresse a d’ailleurs été remarqué il y a quelques mois en FranceNatan Bouzy, formé à l’Opéra national de Paris, nous a quant à lui livré des solos de danse classique à couper le souffle. La plupart de ces danseurs-comédiens sont par ailleurs très impliqués dans leurs communautés, que ce soit dans la politique municipale ou auprès des artistes avec handicap.

Ces épisodes dansants mettent de l’avant avec verve les corps de ces hommes, soumis à une pression sociale, esthétique et symbolique puissante. 

Le vidéo de présentation de la pièce La Tendresse.

Masculinité et violence

Nous avons beaucoup parlé des stéréotypes féminins dans les dernières années, et de l’oppression de la femme qui en découlait. En bord de plateau, Julie Berès, metteuse en scène et co-autrice, explique avoir été la cible d’incompréhension de la part de ses collègues féminines, avant que la pièce ne soit présentée pour la première fois en théâtre : « Elles ne comprenaient pas que je souhaite donner la parole aux hommes. « Ne l’ont-ils pas déjà assez ? », me demandaient-elles avec frustration. » Après avoir vu le spectacle, cependant, difficile d’argumenter que cette prise de parole sur la masculinité soit superflue ou antiféministe. Au contraire. Exposer ainsi les pressions sociales auxquelles sont soumis les hommes, permet de mieux saisir d’où proviennent les comportements masculins problématiques qui ont une incidence sur… la domination du corps des femmes.

En offrant ainsi un tel reflet de la réalité masculine, la pièce accorde au public un lieu de réflexion sur la virilité telle qu’elle nous est habituellement présentée. La violence est centrale dans la pièce. Envers soi, envers ses proches, envers les femmes. Pourquoi les hommes s’ouvrent-ils si peu sur leurs émotions ?Comment un garçon peut-il en venir à faire peur à sa propre sœur ? Pourquoi la violence est-elle souvent la seule réponse qu’un homme peut donner à la tristesse, à un bris d’orgueil ? Pourquoi, finalement, en France, une femme subit-elle une agression à caractère sexuel toutes les trois minutes ?

Des sujets encore trop tabous

Toujours en bord de plateau, Julie Berès souligne qu’elle regrette que certains thèmes n’aient pas pu être abordés frontalement. Elle ressentait que le temps et le lieu n’étaient pas encore venus pour le faire. C’est le cas de la religion, par exemple, qui est effleurée sans qu’on y plonge trop directement. Des répliques à demi-ironiques du style de « c’est sa culture, ce n’est pas sa faute » ponctuent l’heure et demie de spectacle, semant des graines de réflexion sur le sujet. « Je souhaite vraiment pouvoir en parler dans quelques années au théâtre, mais au rythme où ces réflexions avancent, en tous cas en France, j’en doute », laisse-t-elle tomber. La question du genre n’a aussi été que frôlée. La discrimination basée sur la couleur de peau n’a tout simplement pas été abordée. Pourtant, la distribution, rassemblant des comédiens de diverses appartenances ethniques, aurait pu permettre de telles explorations. 

Cet article s’inscrit dans une plus vaste couverture du festival d’arts vivants de la Ville de Québec, le Carrefour international de théâtre. Il ne reste que quelques jours à leur programmation ! 

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