Miguel est très ému lorsqu’il jase avec son père sur Skype. « Papa, aujourd’hui il s’est passé quelque chose à l’école. J’ai présenté « La légende de Sarila » aux autres… et j’ai eu juste un vote… » La légende de Sarila, c’est un film d’Inuits qu’il adore, et c’est aussi le premier long-métrage d’animation 3D québécois.
L’exercice, c’était d’en faire une petite présentation en classe pour convaincre les amis de voter pour son film. À chaque film, soit on lève la main (« J’aime »), soit on s’abstient (« J’aime pas »). On visionne ensuite le film qui a reçu le plus de votes.
- Mais c’est pas grave ça, si toi tu l’aimes, t’as pas besoin que les autres l’aiment.
- Mais après les autres ont ri de moi parce que mon film était poche et pas intéressant. Et parce que j’avais eu juste un vote et que c’était le mien…
- Oh… Pauvre ti poupou. Qu’est-ce qu’il a dit l’éducateur?
- Il a dit que c’était la démocratie.
- …
- (Dépité) Mais la prochaine fois je vais présenter le film Peter Pan.
- Pourquoi Peter Pan?
- Parce que c’est celui qui a reçu le plus de votes.
En effet, c’est la démocratie. En tous cas, la nôtre, celle où on rit aisément de ceux qui amènent des idées qui ne sont pas propulsées par d’intenses machines de diffusion comme Disney, celle où on remet aisément à leur place ceux qui parlent de choses qui ne sont pas du domaine du scandé-mille-fois-par-jour-à-la-télé-et-à-la-radio. Celle où on laisse libre recours au réflexe grégaire de tomber sur la poire des minoritaires du simple fait de leur minorité. Alors, dépités, plein d’originaux alignent leur discours.
Et c’est toute la société qui est perdante. Parce qu’à la fin, lorsque tout le monde comprend comment ça fonctionne, on n’ose plus proposer que trois films différents à la masse : Peter Pan, Peter Pan et Peter Pan. Ça vous dit quelque chose?
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