Le modeste journal que vous lisez franchit le cap des 30 ans ces jours-ci. Ça me fait me sentir un peu vieux. Après tout, j’avais, tout juste, 26 ans quand nous avons démarré, cette étrange patente à gosses, avec mes quatre associés du temps. Remarquez que je n’ai pas besoin de ça pour me le remémorer que je vieillis. Ma fille de 12 ans me le rappelle tous les jours et souvent d’une manière très peu subtile merci.
Une chronique de Martin Claveau
Parti d’une idée un peu naïve, en terminant nos études, Le Carrefour est toujours là, fidèle au poste, 30 ans plus tard. Ça représente un certain accomplissement en soi. C’est aussi un beau pied de nez à tous ceux qui ont prédit notre disparition depuis 30 ans.
Cela dit, on ne peut pas trop se péter les bretelles non plus. Nous étions un petit média au départ et nous le sommes demeurés. Avons-nous raté notre destin en ne devenant pas plus important? Peut-être était-ce le seul chemin possible pour passer à travers tout ça et être encore en vie? Je ne sais pas.
Il m’arrive parfois de me le demander, maintenant que je n’ai plus trop d’ambition.
Je rêvais que le journal devienne une référence dans la région, j’aurais aimé qu’il devienne plus gros que le journal Voir ou que les hebdos de Transcontinental, mais, ça n’a jamais été le cas. La croissance du Carrefour a toujours été stoppée pour une raison ou pour une autre. Employés qui nous quittent, marché en bouleversement, arrivé d’Internet, compétiteurs féroces, mauvaises décisions, je ne sais plus trop ce qui est à blâmer. Possiblement, un peu aussi, pas mal, ma manière de gérer l’entreprise, qui est, sans doute, responsable de l’endroit où elle se retrouve après 30 ans.
Toujours est-il que, contrairement à ceux que j’ai mentionné et à plein d’autres, Le Carrefour est toujours-là, mais il a toujours été fragile et le demeure encore.
Cette édition 30e anniversaire n’est pas extraordinaire, du moins pas comme j’aurais rêvé qu’elle soit. Mais elle est là, quand même et nous devrions continuer à y être un bout de temps, alors c’est déjà ça de pris. Nous n’en menons pas moins un perpétuel combat pour la survie et nous avons rarement le luxe de voir les échéances venir.
Ironiquement, quand on est habitué d’avoir la vie dure dans son coin, au moment où elle devient plus éprouvante pour les autres, on a toujours comme l’avantage comparatif d’y être habitué. Quand on y songe, nos plus grands défauts ne sont-ils pas souvent à la racine même de nos plus grandes qualités? Survivre n’est certainement pas la moindre!
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