Ce mardi soir, devant une salle comble au Centre des loisirs Montcalm, les représentants d’Immeubles Simard et de la Ville de Québec ont présenté la nouvelle mouture du projet immobilier du 955 Grande Allée Ouest.
Les conseillères municipales et membres du comité exécutif, Catherine Vallières-Roland et Mélissa Coulombe-Leduc, ont dû faire face à la musique : plusieurs citoyens ont dénoncé les modifications que la Ville prévoit apporter au PPU en vigueur pour permettre la réalisation du projet.
Par Alexandre Morin
Le projet immobilier du 955 Grande Allée Ouest a été dévoilé dans une version remaniée par le groupe Immeubles Simard.
Après avoir été rejeté sous l’administration Labeaume en raison d’enjeux patrimoniaux et environnementaux, le projet a subi plusieurs modifications pour répondre aux préoccupations des citoyens. Contesté pour son impact sur la circulation et l’aspect visuel du quartier en 2021, il avait soulevé des demandes pour qu’il respecte le Plan particulier d’urbanisme (PPU) adopté en 2017.
Parmi les principaux changements, la hauteur du bâtiment a été revue à la baisse. Alors qu’il comptait sept étages du côté de l’avenue de Mérici Est en 2021, il en comptera désormais six à son point le plus élevé.
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Le projet prévoit toutefois des variations de hauteur, avec des sections à trois et quatre étages sur certaines portions du site, notamment le long de l’avenue de Mérici Sud et Est, afin de mieux s’intégrer au cadre bâti environnant.
« Nous faisons actuellement face à la Ville de Québec à une crise du logement […] Selon les chiffres, le taux d’inoccupation à Québec est de 0,9 %, donc ça fait en sorte qu’on a dû se donner des cibles ambitieuses […] des cibles de 80 000 logements d’ici 2040 ».
Catherine Vallières-Roland, conseillère municipale du district de Montcalm–Saint-Sacrement
Le nombre d’unités résidentielles a également été revu à la baisse, passant de 178 à environ 145, incluant 15 % de logements abordables.
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L’intégration du projet au paysage a été retravaillée. L’immeuble de bureaux construit en 1958 sera préservé dans son intégralité, et les marges de recul ont été augmentées sur certaines portions du terrain. Sur de Mérici Est, la marge passe de 6 à 12 mètres, tandis que sur de Mérici Sud, elle passe de 8 à 12 mètres.
Ces ajustements visent à réduire l’impact du projet sur le voisinage et à favoriser la préservation du couvert végétal.
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En tout, 71 arbres seront conservés, mais six arbres matures seront abattus et remplacés par de nouveaux spécimens, tandis que trois autres seront repositionnés. Des ajouts de végétation sont aussi prévus pour renforcer l’intimité des résidences et de la future garderie.
« Nous, on développe à long terme, donc ce qu’on veut, c’est faire des projets de qualité, on veut qu’ils s’intègrent bien, on veut travailler en partenariat avec le secteur ».
Karine Simard, Vice-présidente d’Immeubles Simard
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En matière de stationnement, 16 places extérieures et 245 places souterraines sont prévues afin de minimiser l’impact sur la circulation locale.
Après avoir obtenu deux avis favorables de la Commission d’urbanisme, le promoteur espère maintenant l’aval de la Ville dans les prochaines semaines.
Si le projet est approuvé, les travaux pourraient débuter dès l’automne 2025, avec une livraison prévue entre l’été et l’automne 2027.
Modifications au PPU
Après celui de Saint-Roch, la Ville de Québec prévoit de modifier le Programme particulier d’urbanisme (PPU) du pôle urbain Belvédère datant de 2017 afin de permettre la construction du projet combinant logements et espaces à bureaux. Cette démarche s’inscrit dans son objectif de construire 80 000 logements d’ici 2040 pour répondre à la crise du logement.
La modification du PPU consisterait à fusionner deux zones distinctes en une seule, couvrant le terrain situé entre l’avenue De Laune, la Grande Allée et l’avenue de Mérici. Cette harmonisation permettrait d’autoriser les usages résidentiels et administratifs (bureaux) sur l’ensemble du site.
En matière de hauteur, la limite actuelle de 10 mètres passerait à 13 mètres, tandis que la surhauteur, aujourd’hui fixée à 20 mètres sur 75 % de l’immeuble, serait réduite à 30 %.
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Pour expliquer ces modifications au PPU, la Ville affirme que le contexte a considérablement évolué, notamment en raison de la crise du logement et de l’essor du télétravail depuis la pandémie.
« Il faut qu’il y ait de l’ajout d’unités d’habitation sur l’ensemble du territoire de la ville, et les quartiers centraux aussi doivent mettre la main à la pâte », a exprimé Mme Coulombe-Leduc pour justifier les modifications.
« C’est la Ville de Québec qui est anticipée comme étant la région administrative dans tout le Québec qui va connaître la plus forte croissance démographique […] Il est estimé par l’Institut de la statistique du Québec que cette croissance sera de 29,9 % ».
Réponse de Mme Coulombe-Leduc à un citoyen qui remettait en question la nécessité de construire 80 000 logements à Québec d’ici 2040.
« On sait que la Ville de Québec est déjà l’une des villes les plus étalées au Canada et les 80 000 unités d’habitation vont nous demander collectivement, sur le territoire de la Ville de Québec, beaucoup de compromis », a-t-elle ajouté pour illustrer la nécessité de modifier les règles pour faciliter la densification.
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« Les PPU ne sont pas des vaches sacrées, les PPU, ce sont des instruments d’urbanisme, et à la Ville de Québec comme ailleurs au Québec, ils sont loin d’être parfaits […] Le contexte change, et il y a une nécessité de revoir aussi ces outils-là à cette lumière-là ».
Alexandre Turgeon, président et fondateur de l’organisme Vivre en ville
D’autres préoccupations ont été soulevées, notamment concernant l’espace actuellement public, le caractère patrimonial de l’immeuble existant sur le terrain et les enjeux d’ensoleillement. Bien que l’impact du projet sur l’ensoleillement ait été évalué comme très faible en raison de sa hauteur modérée, ce point suscite encore des inquiétudes chez certains citoyens.
Tensions au cours de la consultation
Si la consultation de mardi soir était l’occasion pour Immeubles Simard de présenter la nouvelle mouture de son projet, elle a aussi permis aux citoyens de faire entendre leurs préoccupations auprès de leur conseillère municipale, notamment face aux modifications du Programme particulier d’urbanisme (PPU).
L’événement a toutefois donné lieu à des échanges parfois tendus, non seulement entre les citoyens et la Ville, mais aussi entre résidents eux-mêmes, certains voyant le projet d’un bon œil.
« On est actuellement témoins de plusieurs changements de PPU en basse-ville […] C’est systématique, la Ville modifie ses PPU, des PPU qu’elle a elle-même établis il y a seulement quelques années. Donc, on s’aperçoit en fait que le PPU sert à contourner les référendums », a exprimé Hélène Matte, de la Coalition Dorchester, une citoyenne engagée contre ces modifications, notamment celle à l’îlot Dorchester dans Saint-Roch.
« On a un cadre normatif à l’intérieur de nos PPU : quand les contextes changent, qu’on a des projets aussi qui présentent des opportunités intéressantes pour répondre, par exemple, à des objectifs comme la Vision de l’habitation, c’est une opportunité de modifier les PPU », a répondu la conseillère en urbanisme à la Ville de Québec, Vanessa Dionne, avant d’être interrompue par Mme Matte, qui s’est écriée : « C’est systématique, ça a été fait pour éviter les référendums, c’est inacceptable ! »
« Je suis déçu que les PPU puissent changer à peu près à toutes les années, parce que, veut, veut pas, en achetant, j’étais peut-être naïve, mais j’ai cru que c’était une protection d’avoir une certaine réglementation […] Je suis dans les maisons qui vont perdre un peu d’ensoleillement ».
Mme Albert, nouvellement propriétaire sur l’avenue de Mérici
M. Leclerc, impliqué dans la contestation de 2021 contre l’ancien projet, a dénoncé la gourmandise des promoteurs immobiliers, qui achètent des terrains en étant pleinement conscients des PPU en vigueur et demandant par la suite des modifications pour leur projet.
« Je compare ça à quelqu’un qui va dans un buffet chinois, qui commande le buffet chinois à 9,99 $, tout d’un coup, il voit du homard : “Ah là, maintenant, je voudrais avoir du homard avec mon buffet chinois.” Mais non, t’as pris le buffet chinois à 9 $. Vous avez acheté un terrain avec ce zonage-là, puis d’un coup, ça ne marche plus, on ne peut pas faire ce qu’on veut », a-t-il illustré, affirmant que le terrain sur lequel le projet prendra forme est l’un des plus beaux terrains patrimoniaux et végétalisés de la ville.
Pas que de la contestation
Certes, les contestataires se sont fait bruyamment entendre lors de la consultation publique, mais certains citoyens saluent la nouvelle mouture du projet d’Immeubles Simard.
François, un jeune père de famille, s’est fait porte-étendard des jeunes familles en prenant la parole, constatant qu’il était l’un des rares dans une salle majoritairement composée de personnes plus âgées. Seul de sa génération à aller au micro, il a incarné malgré lui leur voix lors de la consultation.
« Je suis vraiment en faveur du projet. Je suis jeune, je regarde les gens dans la salle, peut-être un peu plus âgés que moi, et je pense que je suis parmi ceux qui vont vivre le plus longtemps dans le secteur […] Je pense que ça va permettre à tous les commerces autour de perdurer longtemps », s’est-il exprimé.
« J’ai une jeune famille, j’ai des amis qui aimeraient bien habiter dans le secteur, mais qui n’en ont pas les moyens parce que les propriétés sont quand même dispendieuses. Ça peut être une bonne alternative pour ces jeunes familles de venir s’installer ici et de profiter du quartier comme tout le monde en a profité pendant plusieurs années », a-t-il ajouté.
Pour sa part, M. Fontaine, né dans le quartier il y a 81 ans, ne se dit pas du tout inquiet et se montre optimiste face aux projets immobiliers dans le secteur.
« Ici, à Québec, on a le Château Frontenac, le Château Laurier, le George V, le 650 Laurier, l’Hôtel Concorde, le Saint-Laurent, le Louisbourg… qui ont tous plus de 10 étages. Ils sont là et ne nuisent à personne », a-t-il relativisé.
« Tous […] ont plus de 30 ans. Est-ce que ça a viré la ville de Québec sur le top ? », a-t-il demandé.
« Ça a amené des gens à Québec […] Les règlements qu’on a doivent être mis à jour de temps en temps ».
Reste à voir si l’administration municipale maintiendra le cap vers ses 80 000 logements, alors qu’elle se heurte de plus en plus à l’opposition de citoyens refusant de voir de nouveaux projets se développer dans leur cour.
Après la contestation autour de l’îlot Dorchester, celle du 955 Grande Allée Ouest démontre une fois de plus le choc entre le besoin de logements accessibles pour les jeunes familles et la résistance de résidents qui s’inquiètent des changements dans leur quartier.
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