Nous ne sommes pas nombreux à nous ennuyer du Mail Saint-Roch, mais je confesse être de ceux-là. Je trouvais ça bien, moi, de pouvoir marcher sur une rue commerciale à l’abri des intempéries, alors je le faisais souvent, même si ça n’avait rien à voir avec Place Sainte-Foy. J’étais donc de ceux qui auraient préféré qu’on revalorise l’endroit plutôt que de le démantibuler. Cela dit, le principal défaut du Mail était sans doute d’être trop en avant de son temps.
Une chronique de Martin Claveau
Après tout, qui oserait détruire une rue piétonne et ramener des voitures dessus, à notre époque où on les multiplie partout, quitte à, parfois, les imposer aux gens. Ce n’était pas dans l’air du temps, à ce moment-là, il faut croire.
Quoi qu’il en soit, ça a bien dû couter un bon milliard de dollars de refaire la rue Saint-Joseph. Les planificateurs de l’époque nous avaient vendu un futur enjolivé et nous faisaient miroiter les verts pâturages, qui attendaient Saint-Roch, après ce face-lift à coup de pavé à 12$ le bloc. La magie de l’urbanisme devait faire le reste et le quartier devait renaitre, stimulé par cette intervention de l’état-providence municipal…
On connait la suite. 20 ans après, je cherche ce que tout ça a donné, en fin de compte, à part de créer des attentes exagérées. On avait négligé un petit détail: il n’y a pas beaucoup de gens qui habitent Saint-Roch et il n’y en pas non plus tant que ça qui y vont pour faire leurs commissions. C’était le cas à l’époque, ça l’est encore présentement et ça semble parti pour le rester un bout.
Les projets ont beau s’additionner pour combler le manque. Il en aurait fallu davantage pour que ça change le portrait de Saint-Roch. Il est trop tard pour cette revitalisation-là et tout le monde en espère déjà une autre qui coûtera vraisemblablement plus cher que la première.
Donnez-moi du monde et je vous donnerai des commerces qui fonctionnent. Depuis le début de l’humanité, les commerçants ont tendance à aller où sont les gens et ils fuient les endroits où ils ne sont pas. Le problème de Saint-Roch demeure le même : il n’y a pas de monde et la perception qu’ont les gens du quartier est mauvaise.
La nature est bien faite et elle a horreur du vide. Quand il n’y a rien à quelque part, elle a tendance à implanter quelque chose, comme de l’itinérance en l’occurrence… Tout ça me fait penser que si le Mail Saint-Roch existait encore, ça nous ferait toujours une place pour abriter ces pauvres hères, de plus en plus nombreux, pour ne pas qu’ils meurent de froid en hiver. Qui sait, on aurait peut-être même pu y aménager une piste cyclable qu’on n’aurait jamais eu besoin de déneiger.
En fin de compte, il aurait pu être fort utile, ce mail mal aimé, si on ne l’avait pas abandonné pour faire passer des voitures, qui ne viennent, finalement pas, tant que ça, au centre-ville.
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