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Impressions citadines par Catherine Dorion: Vive l’espoir!

spectateurs

« Êtes-vous une dignitaire? » me demande le policier.

–       Dignitaire? Euh…

–       Avez-vous été invitée par le Protocole?

–       Euh… Par Mme Lapointe.

Déférence soudaine. Le cordon policier se défait pour laisser passer la voiture. Je retrouve deux amis, invités comme moi aux funérailles pour avoir donné ce spectacle auquel Monsieur Parizeau avait assisté le soir de sa fête en 2013 – trip de poésie/musique avec Jean-Martin Aussant, juste avant qu’il ne s’envole pour Londres. Je pense à ces militants trop durcis, comme séchés dans leur moule jauni, amers du départ d’Aussant, qui avaient ri de ce spectacle sur les réseaux et qui pleurent aujourd’hui la mort de Parizeau. Parizeau avait beaucoup aimé sa soirée, nous l’avons ému, bande de cons. Et puis, bande de cons, j’aime mieux faire de la « tite-pwésie » que de passer ma vie à parler en slogans et à n’inspirer personne.

On se demande si on est assez bien habillés, mais on se rassure : on sait que les artistes sont les seuls pauvres à être admis avec le même respect dans toutes les classes sociales.

Les plus vieux observent ma fille de trois ans avec ce qui ressemble à de la nostalgie : réminiscence de ces messes pleines d’enfants de leur jeunesse? Même lorsqu’elle se met dans le milieu de l’allée et lève le bas de sa robe jusqu’au ciel, montrant à tous les invités ses petites jambonettes potelées et ses bobettes fleuries, on rit tendrement (sauf moi). « C’est elle qui jouait à Cupidon dans l’allée? » dira un beau monsieur ému après la cérémonie.

En avant on parle de Jésus, ça ne colle pas mais on répète quand même quelques phrases après eux. Ça fait des siècles qu’on fait ça comme ça, on va continuer encore un petit bout. Pas longtemps, mais encore un petit bout.

Alain Lefèvre joue une pièce au piano qui fait léviter toute la salle. Même ceux qui n’écoutent pas cessent de s’agiter sur leur banc. Ma fille ne bouge plus, le regard fixe. Le pianiste fait lever le poil sur les bras du peuple sans discrimination. On dirait vraiment, oui, qu’une âme monte au ciel. Ah, la musique.

Quand Dubois chante, à ces mots qui montent directs : « Si Dieu existe », Gilles Duceppe, en avant de moi, étouffe des pleurs soudains dans une main, les doigts enfoncés dans les yeux, comme font les hommes pour éviter de nous voir les voir pleurer.

Au moment où le cercueil a déjà fait la moitié du chemin de l’autel jusqu’à la porte, des applaudissements éclosent doucement puis éclatent dans la foule comme un gros sanglot, un frissonnement parcourt l’espace, un homme crie d’une belle voix profonde et large : « Merci! ». Et tout vibre aussi fort que cet homme bon et ouvert qui, en 1995, avait terminé son beau discours de défaite par un profond : « Vive l’espoir! Vive le Québec! »

Merci, monsieur Parizeau, de nous avoir autant aimés, autant fait confiance.

Vive l’espoir, vive le Québec.

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